Introduction : Une révolution silencieuse au-dessus de nos têtes
Et si la solution à la crise énergétique marocaine se trouvait juste au-dessus de nos têtes ? Avec une demande électrique qui explose, une facture énergétique nationale dépassant 140 milliards de dirhams en 2023 (plus de 6% du PIB), et l’approche d’événements majeurs comme la Coupe du monde 2030, le Royaume fait face à un défi énergétique sans précédent. Pourtant, selon une étude révolutionnaire de l’Initiative Imal pour le Climat et le Développement (IMAL), le Maroc possède un atout largement sous-exploité : ses millions de toitures. lematin+1
Le rapport publié en octobre 2025 offre la première analyse intégrée du potentiel des systèmes énergétiques renouvelables décentralisés au Maroc, avec des chiffres qui donnent le vertige. Dans le scénario le plus ambitieux, les toitures marocaines pourraient produire 66,8 térawattheures (TWh) d’électricité solaire grâce à une capacité installée de 28,58 gigawatts (GW), évitant ainsi 48,19 millions de tonnes de CO₂ et générant un marché économique estimé à 31,08 milliards de dollars d’ici 2035. h24info+1
Chiffre marquant : Même dans le scénario le plus modeste, les toitures marocaines pourraient produire 20 TWh d’électricité avec 8,57 GW de capacité installée, évitant 14,46 millions de tonnes de CO₂ et créant un marché de 9,3 milliards de dollars. lematin
La question n’est donc plus de savoir si c’est possible, mais comment transformer ce potentiel en réalité concrète. Explorons cette révolution solaire qui pourrait faire de chaque citoyen marocain un producteur d’énergie propre.
Le potentiel colossal des toitures marocaines
Une méthodologie scientifique rigoureuse
L’étude d’IMAL ne repose pas sur des estimations approximatives, mais sur une modélisation scientifique précise. Construite sur les données officielles du Haut-Commissariat au Plan, elle évalue la surface de toiture mobilisable dans les douze régions du pays, les rendements photovoltaïques attendus selon l’ensoleillement local, et le coût moyen d’installation.le212news+1
Le Maroc bénéficie d’un ensoleillement exceptionnel, avec une irradiation solaire globale atteignant 2 264 kWh/m²/an dans certaines régions, notamment au sud (Souss-Massa, Draa-Tafilalet, Laâyoune). Ce potentiel figure parmi les plus élevés au monde, offrant des conditions idéales pour le photovoltaïque sur toitures.ledesk
Trois scénarios pour 2035
Le rapport modélise trois trajectoires possibles à l’horizon 2035, chacune correspondant à un niveau d’ambition et de mobilisation politique différent.le212news+1
Le scénario optimiste prévoit 28,58 GW de capacité installée, produisant 66,8 TWh d’électricité annuelle. Cette production permettrait d’éviter 48,19 millions de tonnes de CO₂ et de créer un marché de 31,08 milliards de dollars. Ce scénario nécessiterait une mobilisation massive des acteurs publics et privés, ainsi qu’un cadre réglementaire facilitateur.lematin
Le scénario médian table sur 17,15 GW de capacité pour une production de 40,1 TWh. Plus réaliste, il s’aligne sur une progression régulière du déploiement avec un soutien institutionnel modéré.le212news
Le scénario prudent anticipe 8,57 GW installés produisant 20 TWh, avec 14,46 millions de tonnes de CO₂ évitées et un marché potentiel de 9,3 milliards de dollars. Même ce scénario minimal représenterait une transformation significative du paysage énergétique marocain.lematin
L’intégration des technologies complémentaires
L’étude ne se limite pas aux simples panneaux solaires. Elle intègre également les technologies complémentaires indispensables à un système énergétique décentralisé performant : batteries domestiques pour le stockage, systèmes de gestion intelligents, et bornes de recharge bidirectionnelles pour véhicules électriques.lenouvelliste+1
Cette vision holistique permet de transformer les toitures en véritables centrales électriques intelligentes, capables de produire, stocker et redistribuer l’énergie selon les besoins. Pour découvrir comment les micro-réseaux urbains transforment les villes africaines, consultez notre dossier dédié aux innovations énergétiques continentales.
Des bénéfices économiques et environnementaux considérables
Un gisement d’emplois verts
Au-delà de la production énergétique, le développement du solaire sur toitures représente un levier socioéconomique majeur. En se basant sur le coefficient mondial de 15 emplois créés par mégawatt installé, l’étude estime qu’un déploiement à 17,15 GW générerait environ 26 000 emplois directs, tandis qu’un scénario haut atteindrait 43 000 emplois.lematin
Ces emplois verts, ancrés localement et non délocalisables, concerneraient toute la chaîne de valeur : fabrication de composants, installation, maintenance, gestion intelligente des systèmes, formation et conseil. Cette dynamique contribuerait à la relance régionale et créerait des opportunités sur l’ensemble du territoire.lematin
La structuration de la filière pourrait également favoriser l’émergence d’un écosystème industriel national. L’État entend encourager la production locale de panneaux solaires, de batteries et de systèmes de pilotage énergétique, réduisant ainsi la dépendance aux importations et renforçant la souveraineté technologique du pays.le360
Une réduction massive des émissions carbone
L’impact climatique du solaire décentralisé serait considérable. Dans le scénario ambitieux, près de 48,2 millions de tonnes de CO₂ seraient évitées d’ici 2035, contribuant significativement aux engagements du Maroc dans le cadre de sa Contribution Déterminée au niveau National (CDN 3.0).le212news+1
Cette réduction des émissions proviendrait de la substitution de l’électricité produite par les centrales thermiques fossiles par de l’énergie solaire propre. En produisant localement, le pays diminuerait également les pertes liées au transport de l’électricité sur de longues distances, optimisant ainsi l’efficacité globale du système.lematin
Des économies substantielles pour les ménages
Le coût du kilowattheure pour les ménages marocains reste parmi les plus élevés de la région, pesant lourdement sur le pouvoir d’achat des citoyens. L’autoproduction solaire permettrait aux foyers de réduire drastiquement leur facture énergétique en consommant directement l’électricité qu’ils produisent.lematin
Avec la chute de plus de 80% du prix des panneaux photovoltaïques en dix ans et la baisse continue des coûts de stockage par batteries, la technologie est désormais mature et accessible. L’investissement initial, bien que significatif, s’amortit généralement en quelques années grâce aux économies réalisées.h24info+1
Fait saillant : Entre 2011 et 2023, les ménages et industriels marocains ont déjà investi 3,36 milliards de dirhams pour installer 336 MWc de capacité solaire décentralisée, démontrant l’intérêt croissant pour cette solution.lematin
Les défis réglementaires et techniques à lever
Un cadre juridique enfin clarifié
L’adoption du décret n°2.25.100 en octobre 2025 marque une étape décisive dans la structuration du secteur. Ce texte, approuvé par le Conseil de gouvernement, définit les conditions et modalités de réalisation et d’exploitation des installations d’autoproduction d’énergie électrique.industries+1
Le décret établit trois régimes principaux : le régime de déclaration, le régime d’approbation de raccordement, et le régime d’autorisation. Ces régimes concernent les installations autoconsommées (non raccordées au réseau) ou raccordées au réseau basse tension.industries
Pour les particuliers, la loi autorise l’installation de panneaux photovoltaïques d’une puissance allant jusqu’à 11 kW, une capacité qui couvre généralement la majorité des besoins domestiques. Les ménages pourront également revendre jusqu’à 20% de leur production annuelle au gestionnaire du réseau, créant ainsi une nouvelle source de revenus.le212news+1
L’absence persistante de registre national
Malgré ces avancées, le rapport d’IMAL identifie un obstacle majeur : l’absence de registre national des installations solaires décentralisées. Cette lacune freine la visibilité du secteur et sa capacité à accéder aux financements structurés.lematin
« Ce que nous avons raté », note le rapport, « c’est la reconnaissance institutionnelle et réglementaire d’un mouvement déjà en marche ». De nombreuses sociétés proposent aujourd’hui des solutions intégrées sans pouvoir bénéficier du statut officiel d’ESCO (Energy Service Company), limitant leur ancrage économique et leur rayonnement.lematin
L’intégration au réseau national
L’intégration massive du solaire décentralisé appelle une révision profonde du système électrique. Le rapport insiste : « ces chiffres représentent une opportunité majeure pour l’ONEE et les Sociétés Régionales Multiservices (SRM) de repenser et réévaluer le modèle économique actuel du secteur électrique, depuis la production jusqu’à la consommation ».lematin
Cette transformation nécessitera de moderniser les réseaux de distribution, d’adopter des tarifs dynamiques reflétant les variations de production et de demande, de renforcer les interconnexions régionales, et de déployer des infrastructures de gestion de la flexibilité.lematin
Les mécanismes d’écrêtement devront également être mis en place, permettant aux gestionnaires de réseau de limiter temporairement l’injection d’électricité en cas de déséquilibre entre l’offre et la demande, un dispositif déjà répandu dans les pays à forte pénétration renouvelable.le360
La convergence avec la mobilité électrique
2,5 millions de véhicules électriques d’ici 2035
Le rapport d’IMAL révèle une synergie puissante entre le solaire sur toitures et la mobilité électrique. Selon les projections de la Stratégie Nationale Bas-Carbone, le Maroc pourrait compter 2,5 millions de véhicules électriques en circulation en 2035.lenouvelliste+1
Ces véhicules, dotés de la technologie Vehicle-to-Grid (V2G), pourraient non seulement se recharger avec l’électricité solaire produite localement, mais aussi restituer de l’électricité au réseau lors des pics de demande. Leur capacité de stockage cumulée atteindrait 39 420 GWh, soit l’équivalent de 91% de la demande électrique nationale.lenouvelliste+1
Du consommateur au « prosumer »
Cette convergence redéfinit fondamentalement le rôle du citoyen dans le système énergétique. En combinant production photovoltaïque sur toiture, stockage individuel via batteries domestiques, véhicules électriques connectés et technologies numériques de gestion, « le citoyen peut évoluer de simple consommateur d’énergie vers un « prosumer », capable de produire, stocker, consommer, vendre et distribuer de l’électricité ».lematin
Ce nouveau modèle, fondé sur la bidirectionnalité et la mutualisation, constitue une véritable réserve d’énergie citoyenne, flexible, connectée et résiliente. Le parc de véhicules électriques pourrait couvrir jusqu’à 98% des besoins de recharge grâce au solaire sur toitures, créant ainsi un écosystème énergétique circulaire et autosuffisant.lematin
Pour explorer notre dossier complet sur l’autoconsommation solaire au Maghreb, découvrez comment d’autres pays de la région innovent dans ce domaine.
Technologies et tendances favorables
La chute spectaculaire des coûts
L’économie du solaire photovoltaïque a connu une transformation radicale ces dernières années. Avec une chute de plus de 80% du prix des panneaux en dix ans, cette technologie est devenue l’une des sources d’électricité les plus compétitives au monde.h24info+1
Les batteries de stockage suivent la même trajectoire de baisse des coûts, rendant les systèmes d’autoconsommation totale (avec stockage) de plus en plus accessibles aux ménages et aux entreprises. Cette démocratisation technologique ouvre la voie à un déploiement massif sans nécessiter de subventions massives de l’État.lematin
Des solutions intégrées et intelligentes
Le marché marocain voit émerger des solutions intégrées combinant panneaux solaires, onduleurs intelligents, batteries domestiques et systèmes de gestion énergétique connectés. Ces dispositifs permettent d’optimiser l’autoconsommation en temps réel, de suivre sa production et sa consommation via smartphone, et de programmer les appareils énergivores pendant les heures de production solaire.le212news
Les bornes de recharge bidirectionnelles pour véhicules électriques représentent une innovation clé, transformant chaque voiture en batterie mobile capable de stabiliser le réseau domestique ou de revendre de l’électricité lors des pics de demande.lenouvelliste+1
La montée en puissance industrielle
Le Maroc vise près de 3 gigawatts d’énergie solaire installée d’ici 2028 selon les projections de SolarPower Europe, avec un potentiel pouvant atteindre 4,35 GW en cas de forte croissance. Cette dynamique inclut à la fois les grands projets centralisés et la production décentralisée sur toitures.ledesk
En mai 2025, les énergies renouvelables représentaient déjà 45% du mix électrique marocain, démontrant la capacité du pays à accélérer sa transition énergétique. Le solaire décentralisé constitue le complément idéal à cette stratégie nationale.facebook
Stratégies et recommandations pour un déploiement réussi
Finaliser le cadre réglementaire
Bien que le décret sur l’autoproduction ait été approuvé, le rapport d’IMAL recommande de finaliser rapidement tous les décrets d’application de la loi 82-21, notamment ceux concernant le stockage, la revente d’électricité et les mécanismes d’écrêtement.industries+1
La création d’un registre national des installations photovoltaïques décentralisées s’impose comme une priorité pour assurer la traçabilité, faciliter l’accès aux financements et permettre une planification stratégique basée sur des données réelles.lematin
Créer un fonds national de soutien
Le rapport plaide pour la création d’un fonds national dédié au soutien de l’investissement des ménages et des PME dans l’autoproduction solaire. Ce mécanisme pourrait prendre la forme de prêts verts bonifiés, de garanties bancaires ou de subventions ciblées pour les populations à faible revenu.lematin
Un fonds d’accompagnement pour soutenir les PME spécialisées dans l’installation et la maintenance d’équipements solaires renforcerait l’écosystème industriel national et assurerait la qualité des installations.le360
Intégrer le solaire dans le code du bâtiment
L’adoption de nouveaux codes du bâtiment intégrant obligatoirement les technologies vertes pour les constructions neuves accélérerait considérablement le déploiement. Cette approche, déjà adoptée dans de nombreux pays, garantit que chaque nouveau bâtiment contribue à la transition énergétique dès sa conception.lematin
Les bâtiments publics, écoles, hôpitaux et administrations devraient montrer l’exemple en s’équipant systématiquement de panneaux photovoltaïques, créant ainsi un effet d’entraînement pour le secteur privé.
Structurer la filière professionnelle
La formation de techniciens qualifiés, la labellisation des installateurs, et la création de standards de qualité constituent des piliers essentiels pour assurer la pérennité des installations et la satisfaction des clients. Le rapport recommande de structurer la filière à travers des programmes de certification professionnelle.lematin
Le développement d’un statut officiel pour les ESCO (Energy Service Companies) permettrait à ces entreprises de proposer des modèles de financement innovants, comme la location d’installations ou les contrats de performance énergétique.lematin
Sensibiliser et accompagner les citoyens
Des campagnes de sensibilisation massives doivent informer les citoyens sur les bénéfices de l’autoproduction, les modalités d’installation, et les dispositifs de soutien disponibles. Le pilotage par données ouvertes permettrait aux particuliers et entreprises de simuler facilement leur potentiel solaire selon leur localisation.lematin
L’accompagnement administratif des porteurs de projets, particulièrement les particuliers peu familiers des démarches techniques, faciliterait considérablement le passage à l’acte.
Conclusion : Les toits, nouvelles centrales solaires du Maroc
Le rapport d’IMAL apporte une réponse claire et chiffrée à la question posée : oui, le Maroc peut produire une part considérable de son électricité grâce à ses toits. Avec un potentiel allant de 20 à 66,8 TWh selon les scénarios, des dizaines de milliers d’emplois à créer, et des dizaines de millions de tonnes de CO₂ à éviter, l’autoproduction solaire sur toitures n’est plus un luxe mais une nécessité économique et sociale.h24info+1
Le message est clair : « la production décentralisée peut devenir un véritable pilier de la transition énergétique à travers la solidarité énergétique nationale », à condition qu’elle soit traitée à égalité avec les investissements traditionnels. Cette vision transforme chaque toiture en mini-centrale solaire, chaque citoyen en prosumer, et chaque véhicule électrique en batterie mobile.lematin
Les défis restent nombreux : finaliser les textes réglementaires, créer des mécanismes de financement accessibles, moderniser les réseaux de distribution, et sensibiliser massivement les populations. Mais l’opportunité est historique, et le moment est venu d’agir.
Propriétaires, entreprises, pouvoirs publics, investisseurs : tous ont un rôle à jouer dans cette révolution silencieuse qui se prépare au-dessus de nos têtes. Les toits marocains, longtemps considérés comme de simples protections contre le soleil, peuvent devenir les producteurs de l’énergie propre qui éclairera le Royaume pour les décennies à venir.
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