Lancement d’un programme régional renforçant les appels d’offres compétitifs pour les projets d’énergie renouvelable

Une nouvelle ère de coopération énergétique africaine

L’Afrique est à l’aube d’une révolution énergétique. Avec un potentiel solaire et éolien exceptionnel, le continent possède tous les atouts pour devenir un leader mondial des énergies renouvelables. Pourtant, entre le potentiel naturel et les projets opérationnels, un fossé persiste : celui des capacités institutionnelles à structurer, financer et déployer efficacement ces projets à grande échelle.

C’est précisément pour combler ce fossé que Masen (Moroccan Agency for Sustainable Energy) et la Banque mondiale ont lancé, le 27 octobre 2025 à Rabat, la première cohorte francophone du programme régional « Appels d’offres compétitifs pour les projets d’énergie renouvelable ». Cette initiative ambitieuse réunit 17 pays africains et plus de 70 cadres du secteur public pour un parcours de formation intensif s’étalant sur neuf mois, d’octobre 2025 à juin 2026.

Chiffre marquant : Plus de 70 cadres institutionnels issus de 17 pays africains francophones participent à cette première cohorte, témoignant de l’urgence et de l’intérêt continental pour structurer les marchés des énergies renouvelables.

Pourquoi les appels d’offres compétitifs constituent-ils un enjeu stratégique pour accélérer la transition énergétique africaine ? Comment ce programme pourrait-il transformer durablement les capacités institutionnelles du continent ? Explorons cette initiative qui pourrait bien devenir un catalyseur majeur de la décarbonation africaine.

Pourquoi les appels d’offres compétitifs sont essentiels pour les énergies renouvelables

Définir le concept d’appel d’offres compétitif

Un appel d’offres compétitif dans le secteur des énergies renouvelables est une procédure par laquelle un État ou une entité publique sollicite des propositions de développeurs privés pour construire et exploiter des infrastructures énergétiques (centrales solaires, parcs éoliens, barrages hydroélectriques). Plusieurs candidats soumissionnent en proposant leurs conditions techniques et financières, et le projet est attribué selon des critères prédéfinis, généralement avec une pondération importante du prix.

Cette approche contraste avec les modèles de gré à gré où les contrats sont négociés directement avec un opérateur, ou avec les tarifs de rachat garantis (feed-in tariffs) où l’État fixe un prix d’achat de l’électricité renouvelable sans mise en concurrence préalable.

La transparence comme fondement de la confiance

La transparence constitue le pilier central des appels d’offres compétitifs. En définissant clairement les critères d’évaluation, les exigences techniques, les obligations contractuelles et le processus de sélection, les autorités publiques créent un environnement prévisible et équitable qui attire les investisseurs internationaux.

Cette transparence réduit également les risques de corruption, améliore la gouvernance du secteur énergétique, et renforce la légitimité des projets auprès des populations locales et des partenaires financiers. Un processus transparent facilite également les recours en cas de litige, protégeant ainsi les droits de toutes les parties prenantes.

La baisse spectaculaire des coûts

L’un des bénéfices les plus tangibles des appels d’offres compétitifs réside dans la réduction drastique des coûts de l’énergie renouvelable. La mise en concurrence de plusieurs développeurs génère une pression à l’innovation et à l’optimisation, poussant les prix à la baisse de manière spectaculaire.

Le Maroc en offre l’illustration parfaite. Les appels d’offres successifs pour les projets Noor ont permis d’obtenir des tarifs de plus en plus compétitifs, avec des prix de l’électricité solaire passant de 15 à 18 centimes de dollar le kilowattheure en 2015 à moins de 4 centimes pour les projets récents. Cette trajectoire descendante rend désormais le solaire moins cher que les centrales thermiques fossiles dans de nombreux pays africains.

L’attractivité pour les investisseurs et la bancabilité

Les investisseurs, qu’ils soient privés ou institutionnels, recherchent avant tout la sécurité et la prévisibilité. Un appel d’offres bien structuré, avec un cadre contractuel solide (Power Purchase Agreement), une allocation claire des risques, et des garanties gouvernementales appropriées, rend les projets « bancables » – c’est-à-dire capables d’obtenir des financements auprès des banques commerciales et des institutions financières internationales.

Cette bancabilité des projets constitue le sésame indispensable pour mobiliser les dizaines de milliards de dollars nécessaires à la transformation énergétique du continent. Sans elle, les projets restent à l’état de bonnes intentions, incapables de franchir le gouffre entre planification et réalisation concrète.

Pour découvrir comment renforcer la bancabilité des projets solaires et attirer les investissements privés, consultez notre guide complet sur les mécanismes de financement innovants.

Le programme lancé à Rabat : une architecture ambitieuse

Un partenariat international de premier plan

Le programme réunit un consortium exceptionnel de partenaires internationaux, témoignant de son importance stratégique. Aux côtés de Masen et de la Banque mondiale (via ses programmes ESMAP-SRMI et PPIAF), on retrouve la Banque africaine de développement avec son initiative « Desert to Power », la coopération allemande GIZ GET.Transform, l’Agence française de développement (AFD), et l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA).

Cette alliance inédite mobilise l’expertise technique, les ressources financières et les réseaux diplomatiques de plusieurs grandes institutions multilatérales et bilatérales, créant ainsi une plateforme d’apprentissage d’une richesse exceptionnelle pour les participants africains.

Un format pédagogique innovant sur neuf mois

Le programme se déploie selon une architecture en trois temps, savamment orchestrée pour maximiser l’apprentissage et l’appropriation. La première phase consiste en un atelier immersif de cinq jours à Rabat, durant lequel les 70 participants découvrent les concepts essentiels des appels d’offres, analysent des études de cas concrets, et visitent des sites emblématiques comme la centrale éolienne Nassim Koudia Al Baida et le complexe solaire Noor Ouarzazate.

La deuxième phase, étalée sur plusieurs mois, comprend huit sessions virtuelles progressives. Ce format hybride permet de maintenir l’engagement des participants malgré la distance, de faciliter les échanges entre pairs, et d’approfondir progressivement les sujets techniques, juridiques, financiers et réglementaires.

Enfin, un atelier de clôture de cinq jours à Ouarzazate conclura le parcours en juin 2026, permettant aux participants de présenter leurs feuilles de route nationales, de consolider le réseau créé, et de définir des axes de coopération future entre pays francophones.

Les modules de formation : du concret et du pratique

Le contenu pédagogique privilégie une approche pragmatique, ancrée dans les réalités africaines. Les modules couvrent l’ensemble du cycle de vie d’un appel d’offres : conception du cahier des charges, définition des critères d’évaluation, processus de préqualification des candidats, mécanismes d’allocation des risques, structuration des contrats d’achat d’électricité, négociation des clauses financières, et suivi de l’exécution des projets.

Des études de cas tirées d’expériences africaines réussies (Maroc, Égypte, Afrique du Sud, Sénégal) et d’échecs instructifs permettent d’illustrer concrètement les bonnes pratiques et les écueils à éviter. Cette approche par l’exemple, enrichie d’exercices pratiques et de simulations, assure une meilleure appropriation des concepts par les participants.

L’implication des institutions marocaines

Le Maroc ne se contente pas d’héberger le programme, il s’y implique activement à travers ses principales institutions énergétiques. Le ministère de la Transition énergétique et du Développement durable, l’Agence marocaine de coopération internationale (AMCI), l’Autorité nationale de régulation de l’électricité (ANRE), et l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE) contribuent tous à l’initiative, partageant leur expertise et leurs retours d’expérience.

Cette mobilisation institutionnelle marocaine illustre la vision de coopération Sud-Sud promue par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, qui fait de la transition énergétique un pilier du développement durable continental et un vecteur de solidarité entre nations africaines.

Impact attendu pour les pays africains et le Maroc

Le renforcement des capacités institutionnelles dans 17 pays

L’impact principal du programme se mesurera dans la montée en compétence des institutions publiques des 17 pays participants. Les cadres formés retourneront dans leurs administrations respectives avec des outils concrets, des méthodologies éprouvées, et une compréhension approfondie des meilleures pratiques internationales.

Cette capacité renforcée se traduira par des appels d’offres mieux conçus, plus transparents, plus compétitifs et plus attractifs pour les investisseurs. À terme, cela accélérera le déploiement des projets d’énergies renouvelables, réduisant ainsi la dépendance aux combustibles fossiles importés et les émissions de gaz à effet de serre.

La création d’une communauté francophone d’experts

Au-delà de la formation individuelle, le programme vise explicitement à créer une communauté africaine francophone d’experts en appels d’offres énergétiques. Ce réseau facilitera les échanges d’expériences entre pays, la résolution collective de problèmes communs, et la diffusion rapide des innovations réglementaires ou techniques.

Cette dimension communautaire est essentielle. Les défis énergétiques africains transcendent les frontières nationales, et les solutions les plus efficaces émergent souvent de la collaboration et du partage d’expériences entre pays confrontés à des problématiques similaires. Le programme pose ainsi les fondations d’une coopération durable, au-delà de la formation initiale.

Le modèle marocain comme source d’inspiration

Le Maroc occupe une position unique en Afrique, combinant ambitions renouvelables affirmées, expérience éprouvée des appels d’offres compétitifs, et résultats tangibles sur le terrain. Le royaume a développé plus de 4 GW d’énergies renouvelables en deux décennies, avec 45% de son mix électrique désormais issu de sources propres.

Cette expérience constitue une ressource précieuse pour les autres pays africains. Les succès marocains (baisse des coûts, attractivité des projets, création d’une filière industrielle nationale) comme ses difficultés (intégration au réseau, financement, acceptabilité locale) offrent des enseignements directement applicables dans d’autres contextes nationaux.

En accueillant cette première cohorte francophone, le Maroc réaffirme son rôle de locomotive énergétique du continent et de partenaire privilégié pour accompagner les transitions nationales de ses voisins africains.

Fait clé : Le programme s’inscrit dans la vision de coopération Sud-Sud du Maroc, qui a fait de la transition énergétique un pilier du développement durable et de la solidarité africaine, comme l’a souligné Sa Majesté le Roi Mohammed VI.

Les défis à relever pour maximiser l’impact

L’hétérogénéité des cadres réglementaires nationaux

L’un des obstacles majeurs à l’harmonisation des pratiques réside dans la diversité des cadres légaux et réglementaires nationaux. Chaque pays africain possède son propre système juridique, ses institutions énergétiques spécifiques, et ses traditions administratives. Cette hétérogénéité complique la transposition directe de modèles développés ailleurs.

Le programme doit donc trouver l’équilibre délicat entre transmission de principes universels (transparence, compétitivité, prévisibilité) et adaptation aux spécificités locales. Les formations doivent doter les participants d’outils suffisamment flexibles pour être adaptés aux réalités juridiques, économiques et sociales de chaque pays.

Le financement des projets dans des contextes fragiles

Même avec des appels d’offres parfaitement conçus, la mobilisation du financement reste un défi dans de nombreux pays africains. Les risques perçus – instabilité politique, faiblesse des institutions, volatilité des devises, contraintes sur les paiements – dissuadent souvent les investisseurs et renchérissent considérablement le coût du capital.

Cette réalité nécessite de développer des mécanismes innovants de réduction des risques : garanties souveraines, instruments de défaisance proposés par les institutions multilatérales, mécanismes d’assurance contre les risques politiques, ou encore fonds de garantie régionaux mutualisant les risques entre plusieurs pays.

La question cruciale de la transparence effective

Adopter des procédures transparentes sur le papier ne garantit pas leur application effective sur le terrain. Dans de nombreux contextes, des pressions politiques, des logiques clientélistes ou des pratiques informelles peuvent compromettre l’intégrité du processus, même lorsque les textes réglementaires sont exemplaires.

Le renforcement des capacités doit donc s’accompagner d’une vigilance sur la gouvernance réelle, avec des mécanismes de contrôle indépendants, une société civile informée et mobilisée, et une volonté politique ferme de respecter les engagements de transparence.

L’adaptation aux contextes locaux

Les modèles d’appels d’offres développés dans des économies avancées ou émergentes ne peuvent pas toujours être transposés tels quels dans des contextes africains très différents. La taille des projets, les capacités de paiement des opérateurs nationaux, les infrastructures de réseau disponibles, ou encore les compétences techniques locales varient considérablement d’un pays à l’autre.

Cette diversité exige une approche sur mesure, combinant principes universels et flexibilité contextuelle. Les formations doivent encourager l’innovation institutionnelle, permettant à chaque pays d’inventer ses propres solutions adaptées à ses contraintes spécifiques.

Pour comprendre comment les appels d’offres transforment le secteur éolien en Afrique et quelles leçons en tirer, découvrez notre analyse détaillée des expériences pionnières du continent.

Recommandations pour amplifier l’impact du programme

Standardiser tout en restant flexible

L’Afrique bénéficierait grandement de la standardisation de certains éléments des appels d’offres : modèles de contrats d’achat d’électricité, clauses d’allocation des risques, processus d’évaluation des offres, mécanismes de règlement des différends. Cette standardisation régionale réduirait les coûts de transaction, accélérerait le déploiement des projets, et renforcerait la confiance des investisseurs.

Toutefois, cette standardisation doit préserver la flexibilité nécessaire pour s’adapter aux spécificités nationales. Un équilibre intelligent entre harmonisation régionale et autonomie nationale constitue la clé du succès.

Créer une plateforme de partage de données

Une recommandation essentielle consisterait à établir une plateforme numérique africaine francophone centralisant les données sur les appels d’offres : résultats des procédures, tarifs obtenus, retours d’expérience, bonnes pratiques, clauses contractuelles types. Cette transparence collective accélérerait l’apprentissage mutuel et faciliterait l’amélioration continue des pratiques.

Cette plateforme pourrait également héberger des forums d’échange entre praticiens, des webinaires thématiques réguliers, et une bibliothèque de ressources documentaires accessibles à tous les pays participants.

Renforcer l’accompagnement technique continu

Au-delà de la formation initiale, les pays participants auraient besoin d’un accompagnement technique continu lors de la conception et du lancement de leurs premiers appels d’offres post-formation. Cet appui pourrait prendre la forme de missions d’assistance technique, de revues par les pairs, ou de jumelages entre pays expérimentés et pays débutants.

Masen, forte de son expérience, pourrait jouer ce rôle de centre d’expertise régional, offrant conseils et assistance aux pays africains francophones engagés dans leur transition énergétique.

Élargir le programme aux anglophones et lusophones

Si cette première cohorte cible les pays francophones, l’initiative mériterait d’être étendue rapidement aux pays anglophones et lusophones du continent. Une approche panafricaine, transcendant les barrières linguistiques, maximiserait l’impact du programme et créerait un véritable écosystème continental d’excellence dans les appels d’offres renouvelables.

Cette extension favoriserait également les échanges entre régions africaines, enrichissant la diversité des expériences partagées et renforçant l’intégration énergétique continentale.

Un catalyseur pour l’Afrique des énergies propres

Le lancement du programme régional sur les appels d’offres compétitifs pour les projets d’énergie renouvelable marque une étape décisive dans la structuration des marchés énergétiques africains. En dotant 70 cadres issus de 17 pays d’outils concrets, de méthodologies éprouvées et d’un réseau professionnel solide, cette initiative créée les conditions d’une accélération significative de la transition énergétique continentale.

L’impact de ce programme dépassera largement le cercle des participants directs. Les institutions renforcées concevront des appels d’offres plus efficaces, attirant davantage d’investissements privés, réduisant les coûts de l’énergie propre, et accélérant le déploiement de projets solaires, éoliens et hydroélectriques sur l’ensemble du continent.

Le Maroc, en accueillant cette première cohorte et en partageant généreusement son expérience, consolide son rôle de leader énergétique africain et de partenaire privilégié pour la coopération Sud-Sud. Cette initiative s’inscrit pleinement dans la vision stratégique du royaume, faisant de la transition énergétique un vecteur de développement durable et de solidarité continentale.

Les défis restent nombreux : hétérogénéité des cadres réglementaires, difficultés de financement dans certains contextes, nécessité d’une transparence effective et non seulement formelle. Mais les outils existent, l’engagement politique se renforce, et surtout, une communauté d’experts africains émerge, déterminée à transformer le potentiel renouvelable du continent en réalité concrète.

Acteurs publics, investisseurs privés, institutions financières, société civile : tous sont appelés à s’emparer de cette dynamique pour faire de l’Afrique le continent des énergies propres du XXIe siècle. Les neuf prochains mois de formation constitueront un laboratoire précieux, dont les enseignements irrigueront durablement les politiques énergétiques africaines.

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