Le signal d’alarme avant la COP30
À quelques semaines de l’ouverture de la COP30 au Brésil, un constat alarmant s’impose avec la violence d’un coup de tonnerre. Le 28 octobre 2025, le rapport annuel du Lancet Countdown sur la santé et le changement climatique, produit en collaboration avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a livré une conclusion glaçante : l’inaction climatique provoque des millions de morts évitables chaque année à travers le monde. Derrière les statistiques et les courbes de température se cachent des vies humaines brisées, des familles déchirées, des communautés entières dévastées.
Une mort liée au réchauffement climatique toutes les minutes. Voilà la réalité brutale que révèle ce rapport international rédigé par une centaine de chercheurs coordonnés par l’University College London. Entre 2012 et 2021, une moyenne de 546 000 personnes sont mortes chaque année à cause de la chaleur, un chiffre en hausse de 23% par rapport aux années 1990. À cela s’ajoutent les 154 000 décès causés par la fumée des feux de forêt en 2024, et les 2,5 millions de victimes annuelles de la pollution atmosphérique liée aux énergies fossiles.
« Le changement climatique menace la santé à un niveau sans précédent », résume le rapport avec une gravité qui ne laisse place à aucune équivoque. Alors que les dirigeants mondiaux se préparent à se réunir à Belem pour la COP30, une question lancinante s’impose : pourquoi le monde agit-il si lentement face à une catastrophe sanitaire d’une telle ampleur ? Pourquoi continuons-nous à subventionner les combustibles fossiles à hauteur de 956 milliards de dollars alors que des millions de personnes en meurent chaque année ?
Les conclusions du rapport : un constat sans appel
Des chiffres qui tuent, littéralement
Les données compilées par le Lancet Countdown dressent un tableau accablant. Sur les 20 indicateurs clés de suivi des menaces climatiques pour la santé, 12 ont atteint des niveaux records en 2025. Cette progression implacable témoigne d’une réalité que beaucoup préfèrent encore ignorer : chaque fraction de degré de réchauffement coûte des vies et des moyens de subsistance.
En 2024, une personne a été exposée en moyenne à 16 jours de chaleur dangereuse qui ne se serait pas produite sans le changement climatique. Pour les populations les plus vulnérables – nourrissons et personnes âgées – ce chiffre grimpe à plus de 20 jours, soit quatre fois plus qu’il y a vingt ans. Cette exposition accrue à la chaleur extrême ne se limite pas à un inconfort temporaire : elle tue, et elle tue massivement.
La mortalité liée à la chaleur a bondi de 23% depuis les années 1990, atteignant désormais plus d’un demi-million de décès annuels. Ces victimes ne sont pas des statistiques abstraites, mais des personnes réelles : des travailleurs agricoles épuisés par des canicules interminables, des personnes âgées isolées dans des logements étouffants, des nouveau-nés dont les systèmes de thermorégulation fragiles ne peuvent supporter les vagues de chaleur prolongées.
Les conséquences en cascade sur la sécurité alimentaire
Le rapport révèle également que les sécheresses et les vagues de chaleur ont plongé 124 millions de personnes supplémentaires dans une insécurité alimentaire modérée ou grave en 2023. Derrière ce chiffre vertigineux se cachent des familles qui ne mangent plus à leur faim, des enfants souffrant de malnutrition chronique, des agriculteurs contemplant désespérément leurs cultures desséchées.
Les systèmes agricoles mondiaux, sur lesquels repose la survie de milliards de personnes, vacillent sous les coups répétés de conditions météorologiques extrêmes. Les récoltes échouent, les prix alimentaires flambent, et les populations les plus pauvres, celles qui contribuent le moins aux émissions de gaz à effet de serre, en paient le prix le plus lourd.
Un fardeau économique insoutenable
Au-delà du bilan humain, le coût économique de l’inaction climatique atteint des proportions vertigineuses. L’exposition à la chaleur a entraîné la perte de 640 milliards d’heures de travail potentielles en 2024, équivalant à 1 090 milliards de dollars de productivité perdue. Le coût des décès liés à la chaleur chez les personnes âgées a atteint à lui seul 261 milliards de dollars.
Ces pertes économiques ne sont pas réparties équitablement. Les pays les plus pauvres, souvent situés dans les régions tropicales et subtropicales les plus exposées à la chaleur, subissent des impacts disproportionnés qui compromettent leurs perspectives de développement et creusent les inégalités mondiales.
Les régions les plus touchées
Les experts du Lancet Countdown soulignent que les impacts sanitaires du changement climatique frappent avec une violence particulière l’Afrique subsaharienne, l’Asie du Sud et l’Amérique latine. Ces régions, où les systèmes de santé sont souvent fragiles et les ressources limitées, font face à une triple peine : vulnérabilité climatique accrue, capacités d’adaptation réduites, et responsabilité historique minimale dans les émissions globales.
En Afrique de l’Ouest, les vagues de chaleur extrême se multiplient, rendant le travail en extérieur dangereux pendant de longues périodes. En Asie du Sud, les inondations dévastatrices alternent avec des sécheresses meurtrières, déstabilisant des économies entières. En Amérique latine, la déforestation amazonienne amplifiée par les sécheresses menace les équilibres écologiques régionaux et mondiaux.
Chiffre marquant : Entre 2012 et 2021, 546 000 personnes sont mortes chaque année à cause de la chaleur, tandis que 2,5 millions de décès annuels sont attribuables à la pollution atmosphérique liée aux énergies fossiles. Au total, des millions de vies sont perdues chaque année à cause de l’inaction climatique.
Les causes de l’inaction : politique, économie et inertie collective
La dépendance mortifère aux énergies fossiles
Au cœur de cette catastrophe sanitaire se trouve une réalité aussi simple qu’accablante : notre dépendance persistante aux combustibles fossiles. Malgré les promesses répétées de transition énergétique, l’usage des énergies fossiles a franchi un nouveau record en 2024, alimentant une hausse inexorable des températures mondiales moyennes.
Plus troublant encore, les gouvernements ont dépensé 956 milliards de dollars en subventions nettes aux combustibles fossiles en 2023, soit plus du triple du montant annuel promis pour soutenir les pays vulnérables face aux effets des changements climatiques. Quinze pays ont même dépensé plus pour subventionner les combustibles fossiles que pour l’ensemble de leur budget national de santé, une aberration que le rapport qualifie de « retour en arrière » alarmant.
Les lobbies industriels et les intérêts à court terme
Les industries pétrolières, gazières et charbonnières déploient des efforts considérables pour retarder la transition énergétique. Leur stratégie combine lobbying politique, campagnes de désinformation, et investissements massifs dans de nouvelles infrastructures fossiles qui verrouillent les économies dans des trajectoires carbonées pour des décennies.
Ces acteurs économiques puissants bénéficient d’une influence démesurée sur les politiques publiques, paralysant les ambitions climatiques nationales et internationales. Les intérêts financiers à court terme priment sur la survie à long terme, une logique suicidaire qui hypothèque l’avenir de l’humanité.
L’échec des négociations internationales
À trois semaines de l’ouverture de la COP30, le secrétaire général de l’ONU António Guterres a livré un aveu troublant : « Reconnaissons notre échec. Nous avons échoué à éviter un dépassement de 1,5°C dans les prochaines années, et ce dépassement aura des conséquences dévastatrices. » Ce franchissement du seuil fixé par l’Accord de Paris est désormais « inévitable », avec le risque de déclencher des points de bascule irréversibles.
Les COP successives ont accouché de promesses ambitieuses rarement suivies d’actions concrètes. La COP28 de Dubaï et la COP29 de Bakou ont certes permis des avancées sur certains dossiers, mais l’écart entre les engagements et la réalité reste béant. Les pays riches, principaux responsables historiques du réchauffement, ne tiennent pas leurs promesses d’aide financière aux pays vulnérables, tandis que les grands émetteurs continuent à privilégier leur croissance économique à court terme.
Des exemples de résistance nationale
Plusieurs grands pays freinent activement la transition énergétique. Les États-Unis, malgré les investissements massifs de l’administration Biden dans les énergies propres, ont vu leur production pétrolière et gazière atteindre des records. La Chine, premier émetteur mondial, continue de construire des centrales à charbon malgré son leadership dans les renouvelables. L’Inde défend son droit au développement en s’appuyant massivement sur le charbon.
Ces grandes puissances économiques, dont dépend largement le climat futur de la planète, naviguent entre discours volontariste et réalité décevante, prisonnières de leurs intérêts nationaux et de leurs modèles économiques carbonés.
Les vies humaines derrière les statistiques
Des familles déplacées par les catastrophes
Derrière les millions de morts se cachent également des centaines de millions de personnes déplacées, de familles désintégrées, de communautés dispersées. Les inondations au Pakistan en 2022 ont affecté 33 millions de personnes. Les cyclones dévastateurs frappent régulièrement l’Asie du Sud-Est, l’Afrique australe et les Caraïbes. Les feux de forêt embrasent l’Australie, la Californie, le bassin méditerranéen et l’Amazonie.
Ces catastrophes ne sont plus des événements exceptionnels mais la nouvelle normalité d’un climat déréglé. Les victimes ne meurent pas toujours directement, mais voient leur existence brisée : maisons détruites, moyens de subsistance anéantis, traumatismes psychologiques durables, rupture des liens sociaux et familiaux.
Des paysans confrontés à l’impossible
Dans les campagnes du monde entier, des agriculteurs contemplent impuissants la transformation de leur environnement. Les saisons traditionnelles deviennent imprévisibles, les pluies capricieuses, les températures extrêmes. Des savoirs ancestraux transmis de génération en génération deviennent obsolètes face à un climat qui ne répond plus aux codes habituels.
Au Sahel, la désertification grignote inexorablement les terres cultivables. En Asie du Sud, l’irrégularité de la mousson compromet les récoltes. En Amérique centrale, les sécheresses prolongées poussent des populations entières sur les routes de l’exil climatique. Ces agriculteurs, qui nourrissent le monde, sont en première ligne d’une crise dont ils ne sont pas responsables.
Les maladies amplifiées par la chaleur
Le réchauffement climatique ne se contente pas de tuer directement par vagues de chaleur. Il amplifie également la propagation de maladies infectieuses, affaiblissant les populations vulnérables. Le paludisme, la dengue, le chikungunya gagnent de nouveaux territoires à mesure que les moustiques vecteurs étendent leur aire de répartition vers des régions auparavant trop fraîches.
Les systèmes de santé, déjà sous tension dans de nombreux pays, croulent sous le poids combiné des urgences liées à la chaleur, des maladies infectieuses émergentes, et de la pollution atmosphérique. Le personnel médical, souvent en nombre insuffisant, doit gérer des crises sanitaires multiples et simultanées.
Le lien entre changement climatique et inégalités
Le rapport du Lancet Countdown souligne une injustice criante : ceux qui ont le moins contribué au problème en souffrent le plus. Les pays à faible revenu, responsables d’une fraction minime des émissions historiques de CO2, subissent des impacts disproportionnés tout en disposant de moyens d’adaptation dérisoires.
À l’intérieur même des pays, les populations pauvres, souvent installées dans des zones à risque (plaines inondables, bidonvilles sans climatisation, zones arides), sont les premières victimes. Cette dimension profondément inégalitaire de la crise climatique en fait également une crise de justice sociale, exigeant des réponses qui ne se limitent pas à la technique mais intègrent pleinement la dimension éthique et redistributive.
Des pistes d’action pour éviter le pire
La réduction drastique des émissions
Malgré la gravité du constat, le rapport du Lancet Countdown identifie également des signes d’espoir et des solutions concrètes. La première priorité reste la réduction drastique et immédiate des émissions de gaz à effet de serre. Cela implique une transformation radicale de nos systèmes énergétiques, de nos modes de transport, de nos pratiques agricoles et de nos modèles de consommation.
La production d’énergies renouvelables a atteint une part record de 12% dans l’électricité mondiale en 2024, créant 16 millions d’emplois. Cette dynamique doit être démultipliée, avec des investissements massifs dans le solaire, l’éolien, l’hydroélectricité et les technologies de stockage. La fermeture accélérée des centrales à charbon, principal contributeur aux émissions, constitue une urgence absolue.
L’adaptation et la résilience des systèmes de santé
Parallèlement à l’atténuation, l’adaptation est devenue indispensable. Les systèmes de santé doivent être renforcés pour faire face aux impacts déjà inévitables du changement climatique. Cela implique la formation du personnel médical aux pathologies liées au climat, l’établissement de plans d’urgence pour les vagues de chaleur, et l’amélioration des infrastructures sanitaires dans les régions les plus vulnérables.
Le rapport estime que 160 000 décès prématurés ont été évités chaque année entre 2010 et 2022 grâce à la réduction de la pollution de l’air extérieur liée au charbon, démontrant que l’action climatique sauve des vies dès maintenant. Cette dynamique positive doit inspirer une accélération généralisée des politiques de santé environnementale.
Des exemples de politiques réussies
Plusieurs pays montrent la voie d’une transition énergétique ambitieuse. Le Maroc, avec ses projets solaires et éoliens d’envergure, vise 52% d’énergies renouvelables dans son mix électrique d’ici 2030 et s’engage à sortir complètement du charbon d’ici 2040. Le Costa Rica produit près de 100% de son électricité à partir de sources renouvelables depuis plusieurs années. Le Danemark ambitionne la neutralité carbone complète d’ici 2045.
Ces exemples prouvent qu’une autre trajectoire est possible, alliant ambition climatique, développement économique et amélioration de la santé publique. Les technologies existent, les modèles économiques sont viables, seule la volonté politique fait parfois défaut.
Le rôle des technologies vertes et de la coopération
L’innovation technologique offre des solutions de plus en plus performantes et accessibles. Le coût du solaire photovoltaïque a chuté de plus de 80% en une décennie, rendant cette énergie moins chère que les fossiles dans de nombreux contextes. Les batteries de stockage, les réseaux intelligents, l’hydrogène vert et la capture du carbone constituent autant d’outils pour accélérer la décarbonation.
Mais la technologie seule ne suffira pas. La coopération internationale, le partage équitable des ressources, le transfert de technologies vers les pays en développement, et surtout le financement climatique à la hauteur des enjeux sont indispensables. Les 956 milliards de dollars actuellement consacrés aux subventions fossiles pourraient être réorientés vers des investissements salvateurs dans la transition énergétique et l’adaptation.
De l’alerte à l’action, la COP30 comme tournant historique ?
À l’approche de la COP30 de Belem, le rapport du Lancet Countdown sonne comme un ultimatum. Des millions de vies sont perdues chaque année à cause de l’inaction climatique, un bilan insoutenable qui devrait mobiliser l’humanité tout entière. « La crise climatique est une crise sanitaire. Chaque fraction de degré de réchauffement coûte des vies et des moyens de subsistance », rappelle le Dr Jeremy Farrar, Sous-Directeur général de l’OMS.
Pourtant, face à cette tragédie, des raisons d’espérer subsistent. Les solutions existent, les technologies sont disponibles, et de nombreux pays montrent qu’une autre voie est possible. L’action climatique offre « les meilleures perspectives en matière de santé aujourd’hui », souligne le rapport : améliorer la qualité de l’air, rendre l’alimentation plus saine, développer la résilience des systèmes de santé peut sauver des millions de vies dès maintenant.
La COP30 sera-t-elle ce tournant historique tant attendu ? Les dirigeants mondiaux sauront-ils enfin mettre leurs actes en cohérence avec l’urgence absolue de la situation ? Ou assisterons-nous une fois de plus à un festival de promesses non tenues ?
Une certitude demeure : chaque fraction de degré compte, chaque décision prise ou différée a des conséquences mesurables en vies humaines. L’inaction n’est pas une option neutre, c’est un choix mortifère dont nous connaissons désormais précisément le prix. Les centaines de chercheurs du Lancet Countdown, l’Organisation mondiale de la santé, et des millions de citoyens à travers le monde appellent les gouvernements à assumer enfin leur responsabilité historique.
Le temps de l’ignorance est révolu. Celui de l’action doit enfin commencer, pour les millions de vies déjà perdues, et pour les milliards qui méritent un avenir vivable.
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