Engie : Bénéfices en Baisse Face à Chute Prix Gaz et Renouvelables 2025

Un acteur majeur sous pression

Engie, l’un des principaux groupes énergétiques européens, traverse une période contrastée. Jeudi 5 novembre 2025, le géant français de l’énergie a annoncé une baisse de 18% de ses bénéfices au troisième trimestre, manquant les attentes des analystes. Sur les neuf premiers mois de l’année, le résultat net récurrent a reculé de 11%, pesé par deux facteurs majeurs : la chute des prix du gaz sur les marchés européens et un fort recul de la production hydroélectrique.

Cette contre-performance intervient dans un contexte de normalisation progressive des marchés énergétiques européens, après plusieurs années de volatilité extrême liée aux crises géopolitiques. Si Engie maintient ses objectifs annuels, l’entreprise doit naviguer dans un environnement « incertain et mouvant », selon les mots de sa directrice générale, Catherine MacGregor.


Contexte économique et énergétique : la fin de l’âge d’or du gaz

La chute des prix du gaz européen

Après avoir atteint des sommets historiques en 2022-2023 suite à la guerre en Ukraine, les prix du gaz naturel en Europe ont entamé une décrue significative. Le prix de référence européen TTF (Title Transfer Facility) pour le troisième trimestre 2025 était inférieur de 9% à celui de la même période en 2024.

Au 18 août 2025, le prix spot du gaz naturel sur le marché PEG français s’établissait à 30 €/MWh, contre des niveaux dépassant 200 €/MWh pendant la crise énergétique de 2022. Les contrats à terme pour 2026 se négocient autour de 30-35 €/MWh, soit des niveaux certes supérieurs à l’avant-guerre en Ukraine, mais bien en deçà des pics récents.

Cette normalisation s’explique par plusieurs facteurs : reconstitution des stocks européens (objectif de 90% atteint avant l’hiver), diversification accrue des approvisionnements en gaz naturel liquéfié (GNL), et surtout une demande industrielle atone en raison du ralentissement économique européen.

Une volatilité en berne

Au-delà du niveau absolu des prix, c’est la réduction de la volatilité qui pénalise Engie. Le groupe réalisait traditionnellement des marges importantes sur le trading et l’optimisation de ses activités gazières lorsque les prix fluctuaient fortement. Avec une volatilité amoindrie, ces opportunités de profits exceptionnels disparaissent.

Demande énergétique européenne en berne

La demande énergétique européenne reste modérée, affectée par la désindustrialisation partielle du continent, les efforts d’efficacité énergétique et un hiver 2024-2025 relativement doux. Même si les volumes de gaz vendus par Engie ont augmenté grâce à une météo plus froide que la normale au troisième trimestre 2025, cette hausse volumétrique n’a pas compensé l’effondrement des prix unitaires.


Impact sur les résultats financiers d’Engie : des chiffres qui inquiètent

Recul du résultat opérationnel et du bénéfice net

Sur les neuf premiers mois de 2025, Engie affiche un EBIT (résultat opérationnel) hors nucléaire de 6,3 milliards d’euros, en baisse organique de 7,3% par rapport à l’année précédente. Le résultat net récurrent s’établit à environ 3,5-4 milliards d’euros (projection sur 9 mois), en recul de 11%.

Le chiffre d’affaires atteint 52,8 milliards d’euros sur neuf mois, en légère hausse de 1,8% en organique, mais cette croissance provient principalement de l’augmentation des volumes vendus et non des prix.

Production de gaz : des marges comprimées

Le segment « Gas Generation » (centrales thermiques à gaz) est particulièrement touché. L’EBIT de cette activité a chuté de 12,8% sur neuf mois. Bien qu’Engie ait vendu plus de gaz en volume, les marges unitaires se sont effondrées avec la baisse des prix.

En Europe, les spreads (différentiels de prix permettant de capter des marges) ont continué de se réduire. Seuls les marchés internationaux (Chili, Australie) ont partiellement compensé grâce à des conditions de prix plus favorables.

Énergies renouvelables : la météo s’en mêle

Le segment « Renewables and BESS » (énergies renouvelables et batteries) affiche une baisse de 6,9% de son EBIT sur neuf mois. La principale cause : un fort recul de la production hydroélectrique en France et au Portugal.

La France, premier contributeur hydroélectrique d’Engie en Europe, a connu des volumes hydrologiques très faibles au premier semestre 2025 en raison d’une pluviométrie déficitaire et d’un enneigement hivernal insuffisant. Cette situation a réduit la production des barrages, privant Engie de revenus substantiels.

Par ailleurs, les prix de l’électricité captés en Europe ont également reculé, pesant sur la rentabilité des parcs éoliens et solaires. Le phénomène de cannibalisation des prix (lorsque la production renouvelable massive fait chuter les prix de marché aux heures de forte production solaire/éolienne) s’est accentué.


Stratégie d’adaptation et perspectives : cap sur la transition

Maintien des objectifs 2025 malgré les turbulences

Malgré ces résultats décevants, Catherine MacGregor s’est voulue rassurante : « Notre génération de cash-flow reste très élevée, à 11,4 milliards d’euros, ce qui démontre la force de notre modèle ». Engie maintient ses prévisions annuelles :

  • Résultat net récurrent 2025 : entre 4,4 et 5,0 milliards d’euros
  • EBIT hors nucléaire : entre 8,0 et 9,0 milliards d’euros

Le groupe table sur un second semestre 2025 en hausse par rapport à 2024, porté par une reprise saisonnière et une base de comparaison favorable.

Accélération des investissements dans les renouvelables

Engie ne dévie pas de sa trajectoire stratégique : devenir un leader mondial des énergies renouvelables et des solutions décarbonées. L’objectif reste de 7 GW de nouvelles capacités renouvelables par an entre 2025 et 2030, pour atteindre 80 GW installés en 2030 (contre 51,6 GW à fin mars 2025).

Les 101 projets en construction fin septembre 2025 représentent une capacité totale de 8,5 GW, témoignant d’une dynamique d’investissement soutenue. Les régions prioritaires sont l’Amérique du Nord (notamment les États-Unis pour les data centers gourmands en électricité), l’Amérique latine et l’Europe.

Hydrogène vert et flexibilité énergétique

Engie intensifie ses investissements dans deux domaines clés :

Hydrogène vert : Le groupe développe plusieurs projets d’électrolyseurs en Europe (France, Belgique, Pays-Bas) pour produire de l’hydrogène décarboné destiné à l’industrie lourde et aux transports.

Stockage d’énergie (BESS – Battery Energy Storage Systems) : Avec la montée en puissance des renouvelables intermittents, le stockage devient crucial. Engie déploie des batteries à grande échelle pour stabiliser les réseaux et capter les arbitrages de prix.

PPAs et data centers : une opportunité stratégique

Engie mise sur les Power Purchase Agreements (PPAs) de long terme avec les géants de la tech. Les data centers, notamment aux États-Unis, génèrent une demande électrique exponentielle. Le groupe signe des contrats pluriannuels garantissant des revenus stables et sécurisés, indépendamment de la volatilité des marchés spot.

Résilience du modèle intégré

Catherine MacGregor insiste sur la diversification géographique et sectorielle comme atout : réseaux électriques et gaziers régulés (revenus stables), services énergétiques aux entreprises et collectivités, solutions décentralisées (micro-réseaux, solaire sur toiture).

Cette diversification limite l’exposition aux chocs conjoncturels sur un segment donné. Ainsi, si le gaz et l’hydroélectricité déçoivent, les infrastructures énergétiques locales continuent de générer des revenus prévisibles.


Conclusion : un pilier de la transition énergétique sous pression passagère

Les résultats du troisième trimestre 2025 révèlent qu’Engie, comme l’ensemble du secteur énergétique européen, traverse une phase de normalisation douloureuse après les années exceptionnelles de la crise énergétique. La baisse des prix du gaz et les aléas météorologiques pesant sur l’hydroélectricité ont érodé les marges à court terme.

Toutefois, ce trou d’air conjoncturel ne remet pas en cause la solidité structurelle du groupe. Avec une génération de cash-flow robuste (11,4 milliards d’euros sur neuf mois), une stratégie claire de décarbonation, et un pipeline de projets renouvelables massifs, Engie reste un acteur central de la transition énergétique européenne.

Les défis restent nombreux : concurrence accrue sur les renouvelables, cannibalisation des prix électriques, incertitudes réglementaires, tensions géopolitiques affectant les approvisionnements gaziers. Mais la diversification énergétique, les investissements dans les technologies d’avenir (hydrogène, stockage, digitalisation) et la résilience du modèle d’affaires intégré positionnent Engie pour rebondir.

Comme le résume Catherine MacGregor : « Nous abordons les prochains mois avec confiance malgré un contexte incertain. Notre modèle démontre sa force. » L’avenir dira si cette confiance est justifiée, mais une certitude demeure : dans un monde en décarbonation accélérée, les énergéticiens comme Engie jouent un rôle indispensable.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut