Maroc : un pacte public historique pour produire 5 gigawatts d’électricité verte d’ici 2030

un tournant stratégique pour le Maroc énergétique

Lundi 3 novembre 2025 restera une date charnière dans l’histoire énergétique du Maroc. Sous la présidence du Chef du gouvernement Aziz Akhannouch, une convention stratégique majeure a été signée à Rabat entre le gouvernement, l’Office National de l’Électricité et de l’Eau potable (ONEE), l’Agence Marocaine pour l’Énergie Durable (Masen) et l’Agence Nationale de Gestion Stratégique des Participations de l’État (ANGSPE).

Cet accord sans précédent vise à produire jusqu’à 5 gigawatts (GW) d’électricité issue exclusivement des énergies renouvelables d’ici 2030. Plus qu’un simple objectif chiffré, ce pacte public marque une accélération décisive de la transition énergétique marocaine et consolide la position du royaume comme leader africain et régional des énergies propres.

Alors que le Maroc importe encore 90% de ses besoins énergétiques, cette initiative répond à un impératif stratégique : reconquérir sa souveraineté énergétique tout en soutenant l’industrialisation verte du pays.


Les objectifs du pacte : 5 GW pour transformer le Maroc

Un engagement chiffré et daté

La convention fixe un objectif clair : mettre à disposition 5 gigawatts de capacités électriques supplémentaires d’origine renouvelable destinés prioritairement à l’industrie marocaine d’ici la fin de la décennie.

Pour contextualiser, 5 GW représentent :

  • L’équivalent de 10 complexes Noor Ouarzazate (plus grande centrale solaire d’Afrique avec 580 MW)
  • La capacité d’alimenter 5 à 7 millions de foyers en électricité (selon consommation moyenne)
  • Une augmentation de 42% de la capacité renouvelable actuelle du Maroc (actuellement ~12 GW de capacité totale, dont 5,4 GW renouvelables)

Atteindre 52% de renouvelables en 2030

Ce pacte s’inscrit dans le Programme National des Énergies Renouvelables (PNER), qui vise à porter la part des renouvelables à 52% de la capacité électrique installée d’ici 2030. Aujourd’hui, le royaume affiche déjà 46% de capacité renouvelable, plaçant le Maroc parmi les leaders mondiaux en la matière.

L’objectif final est ambitieux : atteindre 12 000 MW (12 GW) d’énergies renouvelables installées en 2030, répartis équitablement entre solaire, éolien et hydroélectrique.

Soutenir l’industrie nationale

Au-delà de la production brute, le pacte cible spécifiquement le secteur industriel. En garantissant un accès à une électricité verte abondante, compétitive et stable, le Maroc entend :

  • Attirer des industries gourmandes en énergie (aluminium, sidérurgie, chimie verte, data centers)
  • Faciliter la décarbonation des usines existantes
  • Positionner le pays comme hub régional de l’industrie verte exportant vers l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient

Les énergies renouvelables mobilisées : un mix diversifié

Le solaire : pilier incontournable

Avec un ensoleillement moyen de 3 000 heures/an, le Maroc dispose d’un potentiel solaire exceptionnel. Les 5 GW prévus mobiliseront massivement le photovoltaïque et le solaire thermodynamique à concentration (CSP).

Projets emblématiques déjà en cours ou prévus :

  • Extension du complexe Noor Ouarzazate et lancement de Noor II et III
  • Développement de parcs solaires géants dans le Sud (Ouarzazate, Laâyoune, Dakhla)
  • Solaire distribué : encouragement de l’autoconsommation industrielle et agricole via des toitures photovoltaïques

L’éolien : exploiter les vents atlantiques et méditerranéens

Le Maroc bénéficie de vents constants et puissants le long de ses côtes atlantique et méditerranéenne. L’éolien représentera une part substantielle des 5 GW.

Axes prioritaires :

  • Éolien terrestre : parcs existants de Tarfaya, Tanger, Taza, Midelt, complétés par de nouveaux sites (appels d’offres récents pour 1,2 GW)
  • Éolien offshore : premières études lancées pour exploiter le potentiel marin, notamment au large de Dakhla et Agadir

L’hydroélectrique : exploiter les barrages existants et futurs

Bien que contraint par la rareté de l’eau, l’hydroélectricité reste une composante importante du mix marocain. Le royaume dispose de plus de 150 barrages, dont certains sont équipés de centrales de pompage-turbinage (STEP) permettant de stocker l’énergie.

Développements prévus :

  • Modernisation des turbines existantes pour augmenter la productivité
  • Construction de nouvelles STEP (stations de transfert d’énergie par pompage) pour compenser l’intermittence du solaire et de l’éolien
  • Micro-hydroélectricité dans les zones montagneuses (Rif, Atlas)

L’hydrogène vert : pari d’avenir

Bien que ne contribuant pas directement aux 5 GW d’électricité, l’hydrogène vert est étroitement lié à ce pacte. Le Maroc vise 20 GW de capacité renouvelable dédiée à l’hydrogène, avec 10 GW d’électrolyseurs produisant 8 millions de tonnes/an de dérivés d’hydrogène (ammoniac vert, carburants synthétiques, acier décarboné).

Les projets comme Chbika 1 (200 000 tonnes d’ammoniac vert/an) et les partenariats avec les Émirats arabes unis (Dahamco – 25 milliards USD) illustrent cette ambition.


Investissements mobilisés : des dizaines de milliards de dirhams

Financement public : l’État en première ligne

Le pacte engage les trois principaux acteurs publics du secteur énergétique marocain :

ONEE : opérateur historique du réseau électrique et de l’eau, responsable de l’intégration des nouvelles capacités et de la modernisation du réseau de transport

Masen : agence dédiée aux projets d’énergies renouvelables de grande envergure, pilote du Plan Noor et des futurs projets solaires et éoliens

ANGSPE : agence de gestion stratégique des participations publiques, garante de la viabilité économique des projets

Ces trois entités coordonneront leurs efforts pour optimiser les coûtsclarifier les responsabilités et garantir la stabilité contractuelle à long terme.

Investissements privés : ouvrir le marché

Le Maroc a ouvert le secteur des renouvelables à la concurrence internationale dès 2015. Les 5 GW prévus attireront massivement des investisseurs privés :

Depuis 2022, 56 projets renouvelables ont été autorisés, représentant 1 991 MW et 25,3 milliards de dirhams d’investissements.

Pour les 5 GW supplémentaires, les investissements totaux (publics + privés) devraient dépasser 60 à 80 milliards de dirhams (6 à 8 milliards d’euros), financés par :

  • Fonds souverains (Émirats, Arabie Saoudite)
  • Institutions financières internationales (Banque mondiale, BEI, BAD)
  • Acteurs privés (ACWA Power, Enel, TotalEnergies, Siemens Gamesa)

Mécanismes de soutien : incitations fiscales et PPP

Pour accélérer les projets, le gouvernement propose :

  • Exonérations fiscales temporaires pour les investisseurs
  • Procédures administratives simplifiées (attribution de terrains, permis accélérés)
  • Partenariats public-privé (PPP) : l’État fournit les terrains et infrastructures, le privé investit dans les équipements
  • Tarifs d’achat garantis pour sécuriser la rentabilité sur 20-25 ans

Bénéfices attendus : souveraineté, emplois et compétitivité

Autonomie énergétique : réduire la dépendance

Le Maroc importe 90% de son énergie primaire, principalement sous forme de charbon, gaz et pétrole. Cette dépendance coûte annuellement plusieurs milliards de dollars et expose le pays aux volatilités géopolitiques et aux prix internationaux.

Impact des 5 GW :

  • Réduction des importations d’énergies fossiles de l’équivalent de plusieurs millions de tonnes de charbon et gaz/an
  • Économies sur la facture énergétique nationale : estimées à 1,5 à 2 milliards USD/an d’ici 2030
  • Sécurisation de l’approvisionnement : moins de vulnérabilité aux crises géopolitiques (guerre en Ukraine, tensions au Moyen-Orient)

Création d’emplois : des dizaines de milliers de postes

La construction, l’exploitation et la maintenance de 5 GW de capacités renouvelables génèreront des emplois directs et indirects massifs :

Emplois directs : 25 000 à 35 000 postes dans la construction (5 ans), puis 8 000 à 12 000 emplois permanents (exploitation et maintenance)

Emplois indirects : Fabrication de composants (panneaux solaires, éoliennes), ingénierie, logistique, services

Formation : Les universités et centres de formation marocains renforcent leurs cursus en énergies renouvelables, formant des milliers d’ingénieurs et techniciens

Transition écologique : réduction des émissions de CO₂

Les 5 GW de capacités renouvelables éviteront l’émission de millions de tonnes de CO₂ annuellement.

Calcul simplifié :

5 GW produisant en moyenne 12 TWh/an (facteur de charge moyen 30%) = éviter la combustion de 4 à 5 millions de tonnes de charbon/an = 8 à 10 millions de tonnes de CO₂ évitées/an

Cela contribue directement aux engagements climatiques du Maroc : réduction de 45,5% des émissions de GES d’ici 2030 (Accord de Paris, COP22 Marrakech).

Compétitivité industrielle : attirer les géants mondiaux

Une électricité verte abondante et compétitive (coût du kWh solaire/éolien en baisse continue) attire des industries à forte valeur ajoutée :

Data centers : Microsoft, Google et autres géants tech cherchent des localisations proches de l’Europe avec énergie propre garantie

Sidérurgie verte : Production d’acier décarboné via hydrogène vert

Chimie verte : Ammoniac, méthanol synthétique pour marchés européens

Automobile : Attractivité accrue du Maroc pour l’industrie des véhicules électriques


Défis à surmonter : infrastructures, financement et gouvernance

Modernisation urgente du réseau électrique

L’injection massive de 5 GW de renouvelables intermittents (solaire et éolien) dans le réseau exige des infrastructures modernisées :

Lignes haute tension : Construction d’une ligne stratégique de 3 GW reliant le Sud (production solaire/éolienne) au Centre et au Nord (zones industrielles et urbaines)

Stockage d’énergie : Développement de batteries géantes (BESS) et de stations de pompage-turbinage (STEP) pour compenser l’intermittence

Réseaux intelligents : Digitalisation du réseau (smart grids) pour équilibrer offre et demande en temps réel

Coût estimé : 10 à 15 milliards de dirhams sur 2025-2030

Financement : mobiliser des capitaux massifs

Bien que le Maroc attire les investisseurs, le financement de 60 à 80 milliards de dirhams reste un défi colossal. Les risques incluent :

  • Volatilité des taux d’intérêt internationaux
  • Concurrence d’autres pays attractifs (Égypte, Arabie Saoudite)
  • Instabilité géopolitique régionale (Sahel, Sahara)

Solutions : Diversifier les sources (fonds souverains arabes, européens, chinois), garantir la stabilité contractuelle et renforcer la confiance des investisseurs via gouvernance transparente.

Coordination inter-institutionnelle

Le pacte réunit trois entités publiques (ONEE, Masen, ANGSPE) aux mandats parfois chevauchants. Sans coordination stricte, risque de :

  • Doublons, retards administratifs
  • Conflits de compétences
  • Inefficacité budgétaire

Solution : Le pacte prévoit des mécanismes de gouvernance partagée, des comités de pilotage conjoints et une clarification des responsabilités de chaque acteur.

Acceptabilité sociale et environnementale

Les grands projets solaires/éoliens nécessitent des milliers d’hectares de terrains. Risques :

  • Conflits fonciers avec populations locales ou agriculteurs
  • Impacts environnementaux (biodiversité, paysages)
  • Manque d’acceptabilité sociale

Stratégies : Consultations publiques, compensations équitables, études d’impact environnemental rigoureuses, implication des collectivités locales dans les bénéfices (emplois, revenus).


Conclusion : le Maroc trace la voie africaine de la transition énergétique

Le pacte public signé le 3 novembre 2025 n’est pas qu’un engagement technique ou financier—c’est un manifeste politique affirmant que le Maroc prend son destin énergétique en main.

En visant 5 gigawatts d’électricité verte d’ici 2030, le royaume démontre qu’un pays africain, sans ressources fossiles, peut devenir un leader mondial des énergies propres en capitalisant sur ses atouts naturels (soleil, vent) et sa stabilité politique.

Cette initiative positionne le Maroc comme :

  • Hub énergétique régional : exportant électricité et hydrogène vers l’Europe, l’Afrique de l’Ouest et le Moyen-Orient
  • Modèle de transition : inspirant d’autres pays africains (Égypte, Tunisie, Sénégal, Kenya)
  • Partenaire stratégique : attirant investissements, technologies et savoir-faire internationaux

Les défis restent nombreux—infrastructures, financement, coordination—mais la volonté politique est claire et les mécanismes de mise en œuvre sont désormais en place.

Comme l’a rappelé Aziz Akhannouch lors de la signature : « Cette convention traduit notre engagement ferme à faire du Maroc un acteur majeur de la transition énergétique mondiale, au service de notre souveraineté et de notre prospérité. »

D’ici 2030, le Maroc aura non seulement transformé son paysage énergétique, mais aussi prouvé au monde qu’un avenir 100% renouvelable est possible, rentable et souverain.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut