Sommet climat de Belém : Forêts, énergie et 1300 milliards de dollars sur la table

Les 6-7 novembre 2025, le Brésil ouvre la voie à la COP30 avec des annonces majeures sur le financement et la préservation forestière

Belém, porte d’entrée de l’Amazonie, a accueilli les 6 et 7 novembre 2025 un sommet des leaders en prélude à la COP30. 143 délégations, dont 43 chefs d’État, se sont réunies pour préparer le terrain des négociations officielles qui débutent le 10 novembre. Trois enjeux ont dominé ces deux jours décisifs : la transition énergétique, la préservation des forêts tropicales et l’ambitieux objectif de 1300 milliards de dollars de financements climat annuels d’ici 2035.


L’essentiel à retenir

  • USD 5,5 milliards annoncés pour le Fonds pour les Forêts Tropicales (TFFF), avec 53 pays signataires
  • Feuille de route Baku-Belém : objectif 1300 milliards $/an d’ici 2035 pour financer la transition climatique
  • Déclaration de Belém adoptée par 43 pays + UE : climat centré sur les populations vulnérables
  • Déforestation amazonienne en baisse de 50% sous Lula depuis 2023
  • COP30 officielle du 10-21 novembre : 10 ans après l’Accord de Paris, test décisif

Contexte : Pourquoi Belém ? Le chemin vers la COP30

Belém n’a pas été choisie par hasard pour accueillir la COP30 Brésil préparation. Capitale du Pará, cette ville de 1,5 million d’habitants constitue la porte d’entrée de l’Amazonie. Pour la première fois de l’histoire des conférences climat, les négociations se déroulent au cœur d’un écosystème forestier dont dépend l’équilibre climatique planétaire.

Le président Lula da Silva a voulu ce sommet des leaders anticipé pour créer un élan politique avant l’ouverture des négociations techniques. Dix ans après l’Accord de Paris (décembre 2015), la COP30 doit évaluer les progrès et rehausser drastiquement l’ambition climatique. Les Contributions Déterminées au niveau National (NDC) actualisées doivent être présentées, et surtout, un nouveau cadre financier post-2025 doit remplacer l’objectif des 100 milliards de dollars annuels.

Le Brésil mise sur cette conférence pour restaurer son leadership climatique, sévèrement entaché sous la présidence Bolsonaro (2019-2022). Avec une réduction de 50% de la déforestation en deux ans, Lula tente de recrédibiliser le pays comme acteur central de la transition climatique Belém.


THÈME 1 : Énergie – La transition sous tension

Les annonces brésiliennes sur les énergies renouvelables

Le président Lula a ouvert le sommet en affirmant que « accélérer la transition énergétique mondiale et protéger la nature constituent les voies les plus efficaces pour atténuer le réchauffement ». Le Brésil, dont le mix énergétique repose déjà à 85% sur les renouvelables (principalement hydroélectricité et biocarburants), se positionne comme modèle de transition énergétique Belém.

Parmi les initiatives lancées : l’Engagement de Belém sur les Carburants Durables visant à quadrupler la production de biodiesel et de bioéthanol d’ici 2030. Le gouvernement brésilien a également souligné le potentiel de l’Amazonie comme futur hub d’hydrogène vert, exploitant l’abondance d’énergie hydraulique et solaire de la région.

Tensions fossiles : les lignes de fracture

Le sommet climat Belém 2025 a néanmoins révélé les tensions persistantes sur la sortie des énergies fossiles. Malgré l’accord historique de la COP28 à Dubaï appelant à « transitionner hors des énergies fossiles », aucun calendrier contraignant n’a été acté à Belém. Les pays producteurs de pétrole maintiennent leur résistance, et paradoxalement, le Congrès brésilien a approuvé des subventions au charbon (Mesure Provisoire 304), que la ministre de l’Environnement Marina Silva a qualifiées de « contraires aux efforts de décarbonation ».

Les pays africains pétroliers défendent leur droit au développement via l’exploitation de ressources fossiles, créant une ligne de fracture Nord-Sud sur les responsabilités historiques et la justice climatique.


THÈME 2 : Forêts – L’Amazonie et le Congo au cœur des négociations

Objectif brésilien : déforestation zéro 2030

Le Brésil a réaffirmé son engagement de déforestation zéro d’ici 2030. Les chiffres récents montrent des progrès tangibles : après avoir atteint 11 500 km² par an sous Bolsonaro (2019-2022), la déforestation Amazonie sommet a chuté de 22% la première année du retour de Lula, puis encore de 30% en 2024, soit une réduction totale de 50% sur deux ans.

Cette amélioration résulte du renforcement des contrôles, de la restauration des budgets des agences environnementales démantelées sous Bolsonaro, et de la reconnaissance des droits des peuples autochtones comme gardiens de la forêt. La Déclaration de Belém sur la Faim, la Pauvreté et l’Action Climatique intègre explicitement la protection des droits fonciers des communautés autochtones et locales.

Bassin du Congo : les pays francophones montent au front

Le sommet pré-COP30 a consacré une attention inédite au Bassin du Congo, deuxième poumon vert mondial après l’Amazonie. La République Démocratique du Congo, représentée par le président Félix Tshisekedi, s’est présentée comme « pays solution« , rappelant qu’aucune stratégie climatique mondiale ne peut ignorer les vastes forêts congolaises.

Le Gabon, par la voix de son ministre de l’Environnement Mays Mouissi, a plaidé pour la reconnaissance du Bassin du Congo comme « bien public mondial » et réclamé une compensation équitable des services environnementaux rendus à la planète. Les trois grands bassins tropicaux (Amazonie, Congo, Asie du Sud-Est) ont formé la coalition « United for Our Forests » pour coordonner leurs positions.

REDD+ et le Fonds pour les Forêts Tropicales (TFFF)

L’annonce phare du sommet concerne le lancement du Tropical Forest Forever Facility (TFFF), nouveau mécanisme de financement forestier. Avec USD 5,5 milliards déjà annoncés et 53 pays signataires (dont 19 investisseurs souverains potentiels), le TFFF vise à mobiliser USD 125 milliards de capitaux publics et privés.

Le mécanisme innovant : les pays contributeurs (Brésil, Indonésie, Norvège, France) alimentent le fonds, qui investit dans un portefeuille diversifié générant des rendements. Les revenus sont ensuite versés aux pays forestiers tropicaux à raison de USD 4 par hectare de forêt préservée. Contrairement aux mécanismes REDD+ critiqués pour leur complexité et leurs résultats mitigés, le TFFF promet des paiements fixes et prévisibles.

Élément crucial : 20% minimum des financements sont directement alloués aux peuples autochtones et communautés locales, reconnaissant leur rôle central dans la conservation. Le fonds exclut tout investissement dans le charbon, la tourbe, le pétrole ou le gaz.


THÈME 3 : Financements climat – Le nerf de la guerre

Bilan des 100 milliards : promesse tenue… avec retard

L’objectif des financements climat 100 milliards annuels, fixé en 2009 à Copenhague pour 2020, a été manqué pendant trois ans consécutifs. Selon l’OCDE, les pays développés ont finalement atteint 116 milliards de dollars en 2022, dépassant pour la première fois la cible. Toutefois, des ONG comme Oxfam contestent ces chiffres, estimant que la valeur réelle du soutien climatique ne représente que 21 à 24,5 milliards, le reste étant gonflé par des prêts comptabilisés à leur valeur nominale plutôt qu’à leur valeur concessionnelle.

Cette crise de confiance a miné les négociations climatiques pendant des années et explique la méfiance persistante des pays du Sud envers les promesses financières du Nord.

Nouvelle cible 2035 : 1300 milliards de dollars par an

Le sommet climat Belém 2025 a présenté la « Feuille de route Baku-Belém », co-élaborée par les présidences azerbaïdjanaise (COP29) et brésilienne (COP30). Cette feuille de route détaille comment mobiliser au moins USD 1300 milliards par an d’ici 2035 pour financer l’action climatique dans les pays en développement.

Le plan s’articule autour de cinq fronts d’action (5R) : reconstituer les subventions et capitaux concessionnels ; rééquilibrer l’espace fiscal et la soutenabilité de la dette ; recanaliser les financements privés transformateurs ; revitaliser les capacités et la coordination ; remodeler les systèmes pour des flux de capitaux équitables.

Cette ambition reflète les besoins réels : le Groupe d’Experts de Haut Niveau sur le Financement Climatique (IHLEG) estime que les pays en développement (hors Chine) doivent investir 2700 milliards annuels d’ici 2030, dont 1300 milliards provenant de sources internationales.

Fonds pertes et dommages : opérationnalisation en suspens

Le Fonds pour les pertes et dommages (Loss & Damage), créé lors de la COP27 à Charm el-Cheikh (2022), reste partiellement opérationnel. La Déclaration de Belém sur la Faim, la Pauvreté et l’Action Climatique appelle à rééquilibrer les financements : actuellement, 80% vont à l’atténuation (réduction des émissions) contre seulement 20% à l’adaptation, alors que les pays vulnérables subissent déjà les impacts climatiques.

Les petits États insulaires francophones (Seychelles, Maurice, Haïti) et les pays africains réclament un accès direct aux financements sans passer par des intermédiaires onéreux, ainsi qu’une part accrue de subventions plutôt que de prêts qui aggravent l’endettement.


Acteurs francophones présents et leurs positions

France : engagement financier attendu

La France participe au financement du TFFF, aux côtés du Brésil, de la Norvège et de l’Indonésie. L’Allemagne devait annoncer sa contribution le 8 novembre. Le gouvernement français n’a pas révélé le montant exact de son engagement, mais se positionne comme pont entre l’Union européenne et les pays francophones du Sud dans les négociations climatiques.

RDC : le deuxième poumon vert revendique son rôle

Le président Félix Tshisekedi de la République Démocratique du Congo a participé au sommet des leaders pour présenter la vision de la RDC comme « pays solution ». La ministre de l’Environnement Marie Nyange Ndambo a plaidé pour une compensation équitable des services environnementaux rendus par le Bassin du Congo, qui stocke des quantités massives de carbone et régule le climat africain et mondial.

La diplomatie climatique francophonie congolaise insiste sur le fait qu’avec le Brésil et l’Indonésie, la RDC détient une part essentielle de la solution au réchauffement grâce à ses vastes forêts et à sa biodiversité exceptionnelle.

Gabon : reconnaissance du Bassin du Congo comme bien public mondial

Le Gabon, représenté par le ministre Mays Mouissi, a salué l’initiative TFFF et la coalition United for Our Forests unissant les trois bassins tropicaux. Le ministre a appelé à « transcender les intérêts individuels » et construire un multilatéralisme climatique renouvelé, faisant de Belém le point de départ d’un ordre climatique équitable.

Le Gabon, qui a préservé 88% de son couvert forestier, se positionne comme modèle de gestion durable et réclame une rétribution juste pour ses efforts de conservation.

Autres pays francophones

Les pays africains francophones (Sénégal, Madagascar, Congo-Brazzaville) forment un bloc diplomatique coordonné par l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), qui facilite les positions communes sur les financements climat et l’adaptation. Le Québec participe également à la diplomatie climatique sub-étatique, notamment sur les enjeux forestiers.


Tensions et lignes de fracture attendues

Nord vs Sud : l’équité financière en question

La fracture historique entre pays développés (responsables de la majorité des émissions historiques) et pays en développement (subissant les impacts sans en être les principaux responsables) reste vive. Les pays du Sud réclament que les 1300 milliards annuels soient majoritairement des subventions publiques, tandis que les pays du Nord privilégient la mobilisation de capitaux privés via des mécanismes de garantie et des banques de développement.

Souveraineté amazonienne vs pressions internationales

Le Brésil défend farouchement sa souveraineté sur l’Amazonie, tout en acceptant des financements internationaux pour sa préservation. Cette tension se manifeste dans les débats sur les conditionnalités : les pays contributeurs peuvent-ils imposer des exigences de gouvernance et de transparence ? Le TFFF tente de résoudre cette contradiction en donnant le leadership aux pays forestiers dans la définition des priorités.

Crédits carbone : efficacité contestée

Les marchés de crédits carbone volontaires font l’objet de critiques croissantes pour leur manque de transparence et leur efficacité douteuse. Le TFFF évite explicitement ce mécanisme en optant pour des paiements fixes par hectare, indépendants de la comptabilité carbone complexe.

Incertitude politique américaine

Les élections américaines de 2024 et leurs résultats créent une incertitude majeure sur l’engagement futur des États-Unis dans le financement climatique. Cette variable pèse sur la crédibilité de l’objectif des 1300 milliards.


Ce qui se joue pour la COP30 officielle (10-21 novembre 2025)

Le sommet pré-COP30 des 6-7 novembre a posé les jalons politiques, mais les négociations techniques s’ouvrent le 10 novembre pour deux semaines intenses. Trois dossiers cristallisent les attentes :

1. Révision des NDC (Contributions Nationales) : Les pays doivent présenter leurs nouveaux objectifs 2030-2035, alignés sur la trajectoire 1,5°C. Les NDC actuelles mènent à un réchauffement de 2,7°C, inacceptable.

2. Opérationnalisation du NCQG (Nouvel Objectif Collectif Quantifié) : Concrétiser les 1300 milliards annuels d’ici 2035 en mécanismes tangibles : qui contribue combien, sous quelle forme, avec quelles échéances.

3. Évaluation mondiale (Global Stocktake) : Dix ans après Paris, la COP30 doit évaluer les progrès et corriger la trajectoire. L’année 2024 ayant été 1,55°C plus chaude que l’ère préindustrielle, l’urgence est maximale.

Le président de la COP30, l’ambassadeur André Corrêa do Lago, a émis un « Appel à l’action climatique » identifiant les lacunes clés du régime climatique international et proposant des solutions. Le Brésil veut faire de Belém la « COP de l’implémentation », passant des promesses aux actes concrets.


Conclusion : Enjeux diplomatiques et attentes pour les prochains jours

Le sommet climat Belém 2025 des 6-7 novembre a généré un momentum politique indéniable : USD 5,5 milliards pour le TFFF, la Déclaration de Belém signée par 43 pays, et la Feuille de route Baku-Belém vers les 1300 milliards. Ces annonces placent la barre haute pour les négociations officielles.

Toutefois, les lignes de fracture entre Nord et Sud, fossiles et renouvelables, souveraineté et conditionnalités restent béantes. La crédibilité du Brésil comme hôte dépendra de sa capacité à tenir sa promesse de déforestation zéro 2030 malgré les pressions agro-industrielles internes.

Les pays francophones, avec la RDC, le Gabon et la France en tête, jouent un rôle pivot en connectant les préoccupations du Bassin du Congo aux négociations mondiales. L’enjeu des prochains jours : transformer les déclarations symboliques en engagements juridiquement contraignants et en flux financiers concrets.

La COP30 se déroule dans un contexte géopolitique fragmenté (guerres, tensions commerciales, montée des populismes), rendant le consensus climatique plus difficile que jamais. Belém sera-t-elle le théâtre d’un nouveau multilatéralisme climatique ou d’un énième rendez-vous manqué ? Réponse d’ici le 21 novembre.


Vocabulaire climat

COP30 : 30ᵉ Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), réunissant 198 pays signataires.

TFFF (Tropical Forest Forever Facility) : Mécanisme de financement innovant versant USD 4/hectare aux pays préservant leurs forêts tropicales, financé par investissements publics et privés.

NDC (Nationally Determined Contributions) : Contributions Déterminées au niveau National, objectifs climatiques volontaires de chaque pays sous l’Accord de Paris, révisés tous les 5 ans.

Loss & Damage (Pertes et dommages) : Fonds créé à la COP27 pour compenser les impacts climatiques irréversibles subis par les pays vulnérables (submersion d’îles, désertification).

REDD+ : Réduction des Émissions liées à la Déforestation et à la Dégradation des forêts, mécanisme onusien de paiement pour services environnementaux forestiers.

Adaptation vs Atténuation : Atténuation = réduire les émissions de GES ; Adaptation = s’ajuster aux impacts climatiques inévitables (digues, cultures résistantes à la sécheresse).


Mini-FAQ

Q : Le sommet de Belém était-il obligatoire avant la COP30 ?
R : Non, c’est une innovation du Brésil. Ce sommet des leaders (6-7 nov) précède la COP30 officielle (10-21 nov) pour créer un élan politique avant les négociations techniques.

Q : Le TFFF remplace-t-il REDD+ ?
R : Non, il le complète. REDD+ reste actif mais critiqué pour sa complexité. Le TFFF propose des paiements fixes par hectare, plus simples et prévisibles.

Q : Les 100 milliards annuels ont-ils été atteints ?
R : Oui, en 2022 (116 milliards selon l’OCDE), mais avec trois ans de retard. Oxfam conteste ces chiffres, estimant la valeur réelle à 21-24 milliards seulement.

Q : Pourquoi 1300 milliards et pas 300 ?
R : Les 1300 milliards sont l’objectif total (public + privé) d’ici 2035. Les 300 milliards sont la cible de financement public des pays développés, partie du total.

Q : Le Bassin du Congo est-il protégé comme l’Amazonie ?
R : Moins. Le Congo stocke autant de carbone mais reçoit 10 fois moins de financements climat. D’où le plaidoyer RDC-Gabon à Belém pour l’équité.


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