L’Accès à l’Énergie Renouvelable pour les Clients Moyenne-Tension : Une Révolution Énergétique Signée ONEE

Le printemps 2025 marque un tournant décisif dans la démocratisation de l’énergie verte au Maroc. Pour la première fois de son histoire, l’Office National de l’Électricité et de l’Eau Potable ouvre l’accès aux énergies renouvelables aux clients raccordés en moyenne-tension, élargissant considérablement le périmètre du marché vert marocain. Cette décision stratégique, annoncée en avril 2025, permet désormais à des milliers d’entreprises industrielles et commerciales de s’approvisionner directement en électricité propre, franchissant ainsi une étape majeure vers un modèle énergétique décarboné et compétitif.

Comprendre la Moyenne-Tension : Une Catégorie Stratégique

Avant d’analyser cette réforme historique, il convient de clarifier ce que représente la moyenne-tension dans l’écosystème électrique marocain. La moyenne-tension désigne un niveau de tension électrique compris entre 1 000 et 52 000 volts, se situant entre la basse-tension domestique et la haute-tension industrielle.

Cette catégorie alimente un segment économique crucial : les entreprises moyennes et certaines grandes infrastructures. Concrètement, les clients moyenne-tension incluent les usines de taille intermédiaire, les centres commerciaux d’envergure régionale, les complexes hôteliers, les hôpitaux, les campus universitaires, les zones industrielles intégrées et les infrastructures de transport comme les stations de métro ou les aéroports régionaux.

Au Maroc, ce segment représente des milliers de points de consommation répartis sur l’ensemble du territoire national. Ces clients consomment individuellement entre quelques centaines de kilowattheures et plusieurs mégawattheures mensuellement, selon leur activité. Collectivement, ils constituent une part significative de la demande énergétique nationale, estimée à plusieurs térawattheures annuellement.

Jusqu’à présent, seuls les très grands consommateurs industriels raccordés en très haute-tension et haute-tension pouvaient accéder directement aux énergies renouvelables dans le cadre du marché libéralisé. Cette limitation excluait de facto la majorité des acteurs économiques marocains d’une offre énergétique plus compétitive et respectueuse de l’environnement. L’ouverture aux clients moyenne-tension corrige cette asymétrie et crée un nouveau dynamisme commercial.

La Décision Historique de l’ONEE : Contexte et Cadre Réglementaire

L’annonce officielle du 14 avril 2025 ne constitue pas un événement isolé mais l’aboutissement d’une évolution réglementaire progressive entamée il y a plus d’une décennie. Le socle juridique de cette ouverture repose sur la loi 13-09 relative aux énergies renouvelables, promulguée en 2010 et progressivement mise en œuvre.

Cette législation pionnière a établi le principe de l’ouverture du marché électrique marocain à la production privée d’énergies renouvelables. Elle permet aux producteurs indépendants d’installer des capacités de production solaire, éolienne ou hydraulique et de commercialiser directement leur électricité auprès de clients éligibles, moyennant l’utilisation du réseau national de transport géré par l’ONEE.

Dans un premier temps, seuls les très gros consommateurs industriels raccordés en très haute-tension et haute-tension ont été éligibles à ce dispositif. Ces acteurs, généralement des cimenteries, des phosphatiers, des aciéries ou des groupes miniers, représentaient individuellement des consommations suffisamment importantes pour justifier économiquement des contrats d’approvisionnement dédiés avec des producteurs d’énergies renouvelables.

L’extension progressive de cette éligibilité aux clients moyenne-tension répond à une double logique. D’une part, elle massifie l’accès aux énergies vertes en touchant un bassin d’entreprises beaucoup plus large et diversifié. D’autre part, elle stimule le développement de projets renouvelables de taille intermédiaire, créant un écosystème plus dense et résilient.

L’Autorité Nationale de Régulation de l’Électricité, organe indépendant supervisant le secteur électrique marocain, a validé les tarifs d’utilisation du réseau moyenne-tension spécifiquement adaptés à ce nouveau segment de clientèle. Ces tarifs déterminent le coût d’acheminement de l’électricité depuis les sites de production renouvelable jusqu’aux points de consommation, via le réseau de transport national.

L’ONEE conserve un rôle central et dual dans ce nouveau dispositif. D’un côté, il agit comme gestionnaire du réseau de transport, garantissant l’équilibre et la stabilité du système électrique national. De l’autre, il facilite la mise en relation commerciale entre producteurs et consommateurs, assurant la transparence et la fluidité du marché. Cette double fonction permet de concilier impératif de sécurité d’approvisionnement et dynamique concurrentielle.

Les Premiers Succès : 60 GWh Déjà Commercialisés

Les premiers mois suivant l’annonce d’avril 2025 ont rapidement validé la pertinence de cette ouverture. Près de 60 gigawattheures d’électricité d’origine renouvelable ont été commercialisés par des producteurs privés auprès de clients moyenne-tension de l’ONEE dès le début de l’année 2025.

Ces premiers kilowattheures verts ont été livrés à des acteurs économiques majeurs répartis géographiquement. Tanger Med Utilities, opérateur d’infrastructures du complexe portuaire Tanger Med dans la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima, figure parmi les pionniers. Ce choix n’est pas anodin : Tanger Med, première zone franche industrielle et commerciale du continent africain, ambitionne de devenir un modèle de développement durable et décarboné. L’accès à l’électricité verte renforce cette stratégie en réduisant l’empreinte carbone des activités logistiques et manufacturières concentrées sur le site.

Saint-Gobain, multinationale française spécialisée dans les matériaux de construction et présente au Maroc via plusieurs unités industrielles, a également sauté le pas. Son usine située dans la zone franche de Kénitra, dans la région Rabat-Salé-Kénitra, s’approvisionne désormais partiellement en électricité renouvelable. Cette démarche s’inscrit dans les engagements mondiaux du groupe en matière de décarbonation de ses opérations industrielles et de réduction de son intensité énergétique.

Le groupe minier Managem, acteur majeur de l’industrie minière marocaine et filiale du conglomérat SNI, alimente deux de ses sites de consommation situés à Ouarzazate, dans la région Drâa-Tafilalet, avec de l’électricité verte. Cette région, déjà emblématique de la transition énergétique marocaine grâce à la centrale solaire Noor Ouarzazate, voit ainsi son écosystème vert s’enrichir d’une dimension industrielle supplémentaire.

Ces 60 gigawattheures initiaux peuvent sembler modestes comparés aux volumes globaux du système électrique marocain, mais ils représentent un signal commercial puissant. Ils démontrent la faisabilité opérationnelle du dispositif, la volonté des entreprises de basculer vers le vert, et l’existence d’une offre de production renouvelable disponible et compétitive.

Cette première vague s’ajoute aux 21,2 térawattheures d’électricité verte déjà fournis depuis l’origine à plus d’une trentaine de clients très haute et haute-tension, majoritairement industriels. Ces derniers exploitent désormais plus d’une centaine de sites de consommation alimentés en énergies renouvelables, créant une dynamique cumulative impressionnante.

Le Nouveau Modèle Économique : Mécanismes et Avantages

L’accès des clients moyenne-tension aux énergies renouvelables repose sur un modèle contractuel bilatéral entre producteurs et consommateurs, avec l’ONEE comme tiers facilitateur et gestionnaire du réseau.

Concrètement, une entreprise raccordée en moyenne-tension souhaitant verdir son approvisionnement électrique peut désormais signer un contrat d’achat direct d’électricité avec un producteur d’énergies renouvelables. Ce contrat, généralement établi sur des durées moyennes à longues (5 à 20 ans), fixe les volumes d’électricité fournis, les prix unitaires, et les modalités de livraison.

Le producteur, qu’il s’agisse d’un développeur éolien, d’un opérateur solaire photovoltaïque ou d’une centrale hydroélectrique, injecte physiquement son électricité dans le réseau national de transport géré par l’ONEE. Cette électricité transite via les lignes haute-tension puis les postes de transformation avant d’atteindre le réseau moyenne-tension et finalement le site de consommation du client.

Le client paie alors deux composantes distinctes. D’une part, le prix de l’électricité lui-même, négocié librement avec le producteur selon les lois du marché. D’autre part, une redevance d’utilisation du réseau versée à l’ONEE, couvrant les coûts d’acheminement, de transformation, et les services système nécessaires à la stabilité du réseau. Ces tarifs réseau ont été spécifiquement calibrés par l’Autorité Nationale de Régulation de l’Électricité pour refléter les coûts réels d’utilisation des infrastructures moyenne-tension.

L’avantage économique pour les entreprises clientes est double. Premièrement, les prix de l’électricité renouvelable sont devenus hautement compétitifs au Maroc, parfois inférieurs aux tarifs réglementés traditionnels, grâce à la chute spectaculaire des coûts de production solaire et éolienne. Les contrats long-terme offrent en outre une prévisibilité budgétaire précieuse dans un contexte de volatilité des prix énergétiques mondiaux.

Deuxièmement, au-delà de l’aspect financier, ces entreprises améliorent significativement leur bilan carbone en substituant de l’électricité fossile par de l’électricité renouvelable certifiée. Cette décarbonation devient un atout commercial majeur face à des clients internationaux de plus en plus exigeants sur les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance. Les entreprises exportatrices marocaines, notamment vers l’Union européenne, anticipent ainsi les futures réglementations climatiques comme le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières qui pénalisera les produits à forte empreinte carbone.

Pour les producteurs d’énergies renouvelables, cette ouverture aux clients moyenne-tension élargit considérablement leur marché commercial. Plutôt que de se limiter à quelques dizaines de très gros clients industriels, ils peuvent désormais contractualiser avec des centaines voire des milliers d’entreprises de taille intermédiaire. Cette massification réduit le risque commercial en diversifiant le portefeuille client et facilite l’obtention de financements pour de nouveaux projets.

Un Nouveau Segment de Clientèle : Potentiel et Opportunités

L’ouverture aux clients moyenne-tension crée de facto un nouveau segment de marché aux dimensions prometteuses pour l’écosystème marocain des énergies renouvelables.

Le profil des entreprises concernées est extrêmement diversifié. Au-delà des premiers adopteurs comme Tanger Med Utilities, Saint-Gobain ou Managem, des milliers d’acteurs économiques deviennent éligibles. Les industries agroalimentaires, secteur stratégique de l’économie marocaine, représentent un potentiel considérable avec leurs nombreuses unités de transformation, de conditionnement et de stockage frigorifique disséminées sur le territoire. Les groupes de distribution moderne exploitant des centres commerciaux et des grandes surfaces constituent également une cible naturelle, sensibles à leur image de marque environnementale et confrontés à des factures énergétiques substantielles.

Le secteur hôtelier, pilier du tourisme marocain, affiche des besoins énergétiques importants liés à la climatisation, l’éclairage, la restauration et les équipements de loisirs. Les complexes touristiques de taille moyenne raccordés en moyenne-tension peuvent désormais communiquer sur un approvisionnement en électricité 100% verte, différenciant leur offre auprès d’une clientèle internationale croissante sensible aux enjeux climatiques.

Les établissements de santé, universités, centres de recherche et infrastructures publiques diverses raccordées en moyenne-tension représentent un segment captif et stratégique. Le secteur public marocain s’est engagé dans une démarche d’exemplarité environnementale qui passe notamment par le verdissement de sa consommation énergétique.

Quantifier précisément le potentiel de marché reste complexe faute de données publiques exhaustives, mais plusieurs indicateurs permettent d’en mesurer l’ampleur. Le Maroc compte plusieurs milliers de points de consommation en moyenne-tension répartis sur l’ensemble du territoire. Si l’on estime conservativement qu’un cinquième de ces clients basculent vers des contrats d’électricité verte dans les cinq prochaines années, avec une consommation moyenne de 500 MWh annuels, le marché potentiel avoisinerait plusieurs térawattheures supplémentaires par an.

Cette demande additionnelle stimulera mécaniquement le développement de nouvelles capacités de production renouvelable. Les développeurs éoliens et solaires peuvent désormais dimensionner leurs projets en intégrant ce nouveau débouché commercial, sécurisant leurs modèles économiques via des contrats d’achat long-terme avec ces clients moyenne-tension.

L’ONEE, de son côté, bénéficie d’une dynamique vertueuse. En facilitant l’accès des clients moyenne-tension aux énergies vertes, l’opérateur national renforce la pénétration des renouvelables dans le mix électrique marocain, contribuant aux objectifs nationaux de transition énergétique. Simultanément, les revenus tirés des tarifs d’utilisation du réseau financent les investissements massifs d’extension et de modernisation des infrastructures de transport, indispensables pour absorber la croissance de la production renouvelable.

Impact Majeur sur la Transition Énergétique Marocaine

Cette réforme s’inscrit dans la stratégie énergétique nationale ambitieuse du Maroc visant 52% de capacités renouvelables installées à l’horizon 2030. Cet objectif, parmi les plus élevés du continent africain et du monde arabe, nécessite une accélération continue du rythme de développement des infrastructures vertes et une optimisation de leur intégration au réseau.

L’ouverture aux clients moyenne-tension agit comme un accélérateur à plusieurs niveaux. Premièrement, elle élargit drastiquement la base de consommateurs potentiels d’électricité verte, créant un appel d’air commercial pour les investissements dans de nouveaux projets renouvelables. Les développeurs peuvent désormais sécuriser des contrats d’achat auprès d’une clientèle plus nombreuse et diversifiée, réduisant les risques commerciaux et facilitant l’obtention de financements bancaires.

Deuxièmement, cette massification de l’accès aux énergies vertes ancre durablement la transition énergétique dans le tissu économique marocain. Les milliers d’entreprises moyenne-tension consommant de l’électricité renouvelable deviennent autant d’ambassadeurs et de parties prenantes de la transformation du mix énergétique national. Leur engagement financier dans des contrats long-terme avec des producteurs verts crée une irréversibilité économique et sociale de la transition.

Troisièmement, le verdissement progressif de la consommation des clients moyenne-tension réduit mécaniquement la part des énergies fossiles dans le mix électrique marocain. Chaque gigawattheure d’électricité renouvelable consommé par ces entreprises se substitue à de l’électricité produite par les centrales thermiques au charbon ou au gaz naturel, diminuant les émissions de CO₂ du secteur électrique national et améliorant la qualité de l’air.

Sur le plan macroéconomique, cette réforme renforce la compétitivité internationale du Maroc. Dans un contexte de décarbonation accélérée des chaînes de valeur mondiales, les entreprises marocaines alimentées en électricité verte bénéficient d’un avantage comparatif tangible. Leurs produits exportés affichent une empreinte carbone réduite, critère déterminant pour accéder aux marchés européens et nord-américains de plus en plus réglementés.

Le Maroc, déjà leader africain des énergies renouvelables avec ses installations emblématiques comme Noor Ouarzazate (solaire thermique et photovoltaïque) et les parcs éoliens de Tarfaya, Tanger ou Midelt, conforte son positionnement de hub énergétique vert régional. Cette réputation attire investissements directs étrangers, transferts de technologie et coopérations internationales, créant un cercle vertueux de développement durable.

L’ONEE, acteur central de cette transformation, déploie parallèlement des investissements massifs dans les infrastructures de transport, les moyens de flexibilité du réseau et les solutions de stockage d’électricité. Ces développements techniques sont indispensables pour gérer l’intermittence inhérente aux énergies solaire et éolienne et garantir la stabilité du système électrique national malgré une pénétration croissante des renouvelables. Le plan d’investissement de l’ONEE prévoit une multiplication par cinq des budgets annuels d’extension du réseau de transport d’ici 2030, témoignant de l’ampleur de la mutation en cours.

Comparaison Internationale et Positionnement du Maroc

La démarche marocaine d’ouverture progressive du marché électrique aux énergies renouvelables s’inscrit dans une tendance mondiale de libéralisation et de décarbonation des systèmes énergétiques.

Plusieurs pays émergents et développés ont expérimenté des modèles similaires avec des degrés divers de succès. L’Afrique du Sud, confrontée à une crise électrique chronique, a ouvert son marché aux producteurs indépendants d’énergies renouvelables dès les années 2010 via le programme REIPPP. Ce dispositif a permis l’installation de plusieurs gigawatts de capacités éolienne et solaire, mais s’est heurté à des blocages institutionnels et à la résistance de l’opérateur historique Eskom, ralentissant le rythme de déploiement.

Au Chili, pionnier latino-américain des énergies renouvelables, la libéralisation complète du marché électrique a permis aux grands consommateurs industriels de signer des contrats d’achat direct avec des producteurs éoliens et solaires dès le début des années 2010. Cette dynamique a contribué à l’effondrement des prix de l’électricité et à la pénétration massive des renouvelables dans le mix chilien, dépassant aujourd’hui 30% de la production totale.

L’Union européenne a progressivement harmonisé ses marchés électriques nationaux, permettant aux grands consommateurs industriels de s’approvisionner librement en électricité verte via des contrats bilatéraux ou des certificats d’origine renouvelable. Toutefois, la complexité réglementaire et la fragmentation persistante des marchés nationaux limitent encore l’accès des entreprises de taille moyenne à ces mécanismes.

Le Maroc se distingue par une approche séquentielle et pragmatique. Plutôt qu’une libéralisation brutale source potentielle d’instabilité, le royaume a étendu progressivement l’éligibilité au marché vert : d’abord les très gros consommateurs haute-tension, puis les clients haute-tension standard, et désormais les clients moyenne-tension. Cette prudence permet d’ajuster les mécanismes réglementaires, de tester les dispositifs techniques, et de sécuriser la stabilité du réseau à chaque étape.

Le maintien de l’ONEE comme gestionnaire central du réseau et facilitateur commercial constitue également une spécificité marocaine. Ce choix évite une fragmentation excessive du marché tout en introduisant une dynamique concurrentielle entre producteurs. L’ONEE conserve ainsi sa mission de garant de la sécurité d’approvisionnement et de planificateur des investissements réseau, rôles difficilement délégables au secteur privé dans un pays en développement où les infrastructures énergétiques demeurent stratégiques.

Défis à Surmonter et Opportunités à Saisir

Malgré les succès initiaux et le potentiel considérable de cette réforme, plusieurs défis devront être surmontés pour maximiser son impact.

Le premier défi concerne la complexité administrative et contractuelle pour les entreprises moyenne-tension, souvent moins dotées en expertise juridique et technique que les grands groupes industriels. Négocier un contrat d’achat d’électricité avec un producteur renouvelable, comprendre les tarifs réseau, gérer les aspects fiscaux et comptables, requiert des compétences spécialisées. L’ONEE et les autorités réglementaires devront simplifier et standardiser les procédures, proposer des contrats-types, et accompagner les entreprises dans cette transition pour éviter que seuls les acteurs les plus sophistiqués en bénéficient.

Deuxièmement, l’intermittence de la production renouvelable pose des défis d’équilibrage du réseau électrique. Plus le nombre de clients s’approvisionnant en électricité verte augmente, plus la part des énergies variables dans le mix s’accroît. L’ONEE doit donc accélérer le déploiement de solutions de flexibilité : centrales thermiques pouvant moduler rapidement leur production, systèmes de stockage par batteries, stations de pompage-turbinage hydraulique, et interconnexions électriques avec les pays voisins permettant d’importer ou d’exporter de l’électricité selon les besoins.

Le développement des infrastructures de transport constitue un troisième défi de taille. Les zones à fort potentiel renouvelable (provinces sahariennes pour le solaire, côtes atlantiques pour l’éolien) sont souvent éloignées des principaux centres de consommation industrielle et urbaine. Acheminer l’électricité produite nécessite la construction de milliers de kilomètres de lignes haute et moyenne-tension additionnelles, ainsi que de nouveaux postes de transformation. Les investissements requis se chiffrent en milliards de dirhams et s’étalent sur plusieurs années, créant potentiellement des goulets d’étranglement temporaires.

La disponibilité de l’offre de production renouvelable représente également un enjeu. Si la demande des clients moyenne-tension décolle rapidement, des tensions pourraient apparaître entre offre et demande d’électricité verte, provoquant une hausse des prix et freinant l’adoption. Les autorités devront donc veiller à maintenir un rythme de développement de nouvelles capacités renouvelables aligné avec la croissance de la demande commerciale.

Sur le plan financier, l’accès aux financements pour les développeurs de projets renouvelables de taille intermédiaire, typiquement destinés à approvisionner des clients moyenne-tension, pourrait s’avérer plus complexe que pour les méga-projets. Les banques et investisseurs privilégient généralement les grandes installations bénéficiant d’économies d’échelle. Des mécanismes de financement adaptés, éventuellement soutenus par des garanties publiques ou des fonds dédiés, devront être développés.

Inversement, de nombreuses opportunités émergent de cette réforme. Les entreprises de services énergétiques spécialisées dans l’accompagnement des clients dans leur transition verte disposent d’un marché en expansion rapide. Ces sociétés peuvent proposer des audits énergétiques, négocier des contrats d’achat d’électricité renouvelable au nom de leurs clients, gérer les aspects administratifs et optimiser les portefeuilles énergétiques.

Les technologies de gestion intelligente de l’énergie et de pilotage de la demande électrique connaîtront également un essor. Les clients moyenne-tension équipés de systèmes de monitoring et d’automatisation peuvent adapter leurs consommations aux périodes de forte production renouvelable, valorisant ainsi au mieux leur électricité verte et réduisant leurs coûts.

Le développement d’un marché secondaire de certificats verts ou de crédits carbone liés à la consommation d’électricité renouvelable pourrait émerger, offrant aux entreprises marocaines des revenus additionnels en monétisant leur contribution à la décarbonation. Ces certificats pourraient être commercialisés à l’international auprès d’entreprises cherchant à compenser leurs émissions.

Enfin, la montée en compétence des équipes techniques marocaines sur les métiers des énergies renouvelables et de la gestion des réseaux électriques intelligents créera un capital humain précieux, exportable vers d’autres pays africains ou du monde arabe engagés dans des transitions similaires.

Conclusion : Une Réforme Structurante pour l’Avenir Énergétique du Maroc

L’ouverture de l’accès aux énergies renouvelables pour les clients moyenne-tension de l’ONEE représente bien plus qu’une simple évolution réglementaire. Il s’agit d’une réforme structurante qui élargit démocratiquement le cercle des acteurs économiques capables de contribuer activement à la transition énergétique marocaine et d’en bénéficier.

En permettant à des milliers d’entreprises industrielles et commerciales de s’approvisionner en électricité verte compétitive et certifiée, cette mesure accélère la décarbonation de l’économie nationale, améliore la compétitivité internationale des exportations marocaines, et crée un écosystème commercial dynamique autour des énergies renouvelables.

Les premiers succès, avec 60 gigawattheures déjà commercialisés auprès de clients emblématiques comme Tanger Med Utilities, Saint-Gobain ou Managem, valident la pertinence opérationnelle et commerciale du dispositif. Ces pionniers ouvrent la voie à une adoption massive qui pourrait transformer radicalement le paysage énergétique marocain dans les cinq prochaines années.

Les défis techniques, administratifs et financiers ne doivent pas être minimisés, mais les expériences internationales et la méthodologie prudente adoptée par les autorités marocaines suggèrent que ces obstacles sont surmontables. Le rôle central de l’ONEE comme gestionnaire du réseau et facilitateur commercial garantit une cohérence d’ensemble et une sécurité d’approvisionnement indispensables.

Au-delà de ses impacts énergétiques et climatiques, cette réforme illustre la vision stratégique du Maroc qui ambitionne de devenir un modèle africain et méditerranéen de développement durable. En combinant croissance économique, préservation environnementale et inclusion sociale via la démocratisation de l’accès aux énergies propres, le royaume trace une voie prometteuse vers un avenir énergétique résilient et sobre en carbone.

Les prochaines années diront si cette dynamique s’amplifie pour atteindre l’objectif national de 52% d’énergies renouvelables en 2030, puis dépasser ce cap vers une quasi-décarbonation du secteur électrique à l’horizon 2050. Les fondations posées aujourd’hui avec l’ouverture aux clients moyenne-tension constituent assurément une pierre angulaire de cet édifice ambitieux.

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