Le Sahara marocain, géant de l’éolien continental
Avec 1.268 MW de puissance éolienne installée, la région de Laâyoune-Sakia El Hamra s’impose comme le hub incontesté de l’énergie éolienne au Maroc et l’un des territoires les plus productifs d’Afrique en matière d’énergies renouvelables. Ce chiffre impressionnant représente plus de 40% de la capacité éolienne totale marocaine (environ 3,1 GW fin 2025) et positionne cette région saharienne atlantique parmi les leaders mondiaux de l’exploitation du vent.
Loin des clichés du désert aride et hostile, Laâyoune-Sakia El Hamra démontre comment des conditions naturelles exceptionnelles, alliées à une volonté politique forte et des investissements massifs, peuvent transformer un territoire en locomotive verte nationale. Entre vents atlantiques constants, vastes espaces disponibles et proximité des centres de consommation européens, cette région incarne le futur énergétique du Maroc.
Pourquoi Laâyoune-Sakia El Hamra est-elle le paradis de l’éolien ?
Des vents puissants et réguliers toute l’année
La région bénéficie d’une position géographique unique : située sur la façade atlantique du Sahara, elle capte les alizés océaniques qui soufflent avec une régularité et une intensité exceptionnelles tout au long de l’année.
Vitesses moyennes des vents : entre 7 et 11 mètres par seconde (25 à 40 km/h), atteignant régulièrement 12-15 m/s sur les sites côtiers comme Tarfaya et Boujdour. Ces vitesses se situent dans la fourchette optimale pour l’exploitation des turbines éoliennes modernes (classe II et III).
Constance exceptionnelle : Contrairement à de nombreuses régions où l’éolien est intermittent et saisonnier, Laâyoune-Sakia El Hamra affiche un facteur de charge moyen de 35 à 45%, l’un des plus élevés au monde. Cela signifie que les turbines produisent en moyenne 35 à 45% de leur capacité maximale sur l’année, contre 20-30% dans la plupart des régions européennes.
Un territoire vaste et faiblement peuplé
Avec une superficie de 139 000 km² (soit 2,5 fois la Suisse) et une densité de population très faible (environ 350 000 habitants), la région offre des espaces immenses pour installer des parcs éoliens sans conflit d’usage majeur avec l’agriculture, l’urbanisation ou les activités touristiques.
Les vastes étendues désertiques permettent de déployer des parcs géants de plusieurs centaines d’éoliennes (comme Tarfaya avec 131 turbines sur un site unique), optimisant les économies d’échelle et réduisant les coûts de production.
Proximité des axes de transport et du réseau électrique
Bien que située au sud du Maroc, Laâyoune-Sakia El Hamra est bien connectée aux grands centres de consommation nationaux (Casablanca, Marrakech, Agadir) via le réseau de transport 400 kV modernisé récemment.
Le renforcement massif du réseau électrique du Sud entre 2020 et 2025, notamment avec la mise en service du poste de transformation Boujdour II 400/225 kV, a permis d’évacuer efficacement l’électricité produite vers le Nord sans pertes significatives.
De plus, la région bénéficie d’une complémentarité solaire-éolien : les parcs solaires de Laâyoune et Boujdour (100 MW au total) produisent massivement en journée, tandis que l’éolien maintient une production importante la nuit et pendant les saisons moins ensoleillées.
Les parcs éoliens majeurs : panorama des installations
Parc éolien de Tarfaya (301,3 MW) : le géant africain
Inauguré en mars 2014, le parc éolien de Tarfaya reste l’installation phare de la région et le plus grand parc éolien d’Afrique lors de sa mise en service.
Caractéristiques techniques :
- Puissance installée : 301,3 MW
- Nombre de turbines : 131 éoliennes Siemens de 2,3 MW chacune
- Production annuelle : 1 100 GWh, soit l’équivalent de la consommation de 450 000 foyers marocains
- Investissement : 5 milliards de dirhams (environ 460 millions d’euros)
- Exploitant : Tarec (filiale de Nareva Holding)
Situé à 20 km au sud-est de Tarfaya, le parc s’étend sur des dizaines de kilomètres carrés en bordure atlantique, zone où les vents côtiers atteignent leur intensité maximale.
Impact CO₂ : Le parc évite annuellement l’émission de 900 000 tonnes de CO₂, équivalant au retrait de 450 000 voitures des routes pendant un an.
Parc éolien de Boujdour (300 MW) : le huitième joyau du Sud
Mis en service intégralement en 2023, le parc éolien de Boujdour représente le 8ème projet éolien dans les provinces du Sud et consolide la position de Laâyoune-Sakia El Hamra comme leader national.
Caractéristiques clés :
- Puissance installée : 300 MW
- Production annuelle estimée : environ 1 000 GWh
- Foyers alimentés : environ 400 000 ménages
- Infrastructure associée : Poste de transformation Boujdour II 400/225 kV, permettant une évacuation optimale de l’électricité vers le réseau national
Ce parc marque une étape importante dans le renforcement du réseau du Sud, garantissant une alimentation stable et de qualité pour les résidents et industriels de la région.
Autres installations : diversification et intégration industrielle
Parc éolien de Laâyoune (Ciments du Maroc) – 5 MW
- Mis en service en octobre 2011
- Production annuelle : 16 GWh
- Alimentation à 80% du centre de broyage de Ciments du Maroc, réduisant drastiquement les coûts énergétiques de l’usine
Parc éolien de Laâyoune Farm – 50 MW
- 17 turbines développées par WIDEMAG
- Parc onshore opérationnel depuis plusieurs années
Projets en cours et futurs (estimation 2025-2030) :
- Parc éolien Aftissat I (200 MW) : en développement dans la province de Boujdour, évitant annuellement 500 000 tonnes de CO₂
- Nouveaux appels d’offres : plusieurs centaines de MW supplémentaires prévus d’ici 2030
Au total, huit parcs éoliens et deux parcs solaires sont opérationnels dans la région, représentant 955 MW d’éolien et 100 MW de solaire, soit plus de 1 055 MW déjà opérationnels, avec les 213 MW restants en construction ou en phase finale de raccordement.
Impact économique : un moteur de développement régional
Investissements massifs : plus de 22 milliards de dirhams
Entre 2010 et 2025, les projets d’énergies renouvelables (éoliens et solaires) dans Laâyoune-Sakia El Hamra ont mobilisé des investissements dépassant 22 milliards de dirhams (environ 2,1 milliards d’euros).
Ces capitaux proviennent de :
- Fonds publics (ONEE, Masen, gouvernement)
- Investisseurs privés nationaux (Nareva Holding, groupe OCP)
- Partenaires internationaux (Siemens, Vestas, fonds souverains émiratis)
Création d’emplois directs et indirects
La construction et l’exploitation des parcs éoliens ont généré des milliers d’emplois :
Emplois directs permanents : environ 800 à 1 200 postes (ingénieurs, techniciens de maintenance, opérateurs, personnel administratif)
Emplois indirects : fabrication et transport de composants, services logistiques, hôtellerie, restauration, commerces locaux bénéficiant de l’afflux de travailleurs
Formation : Les universités de Laâyoune et Agadir ont développé des cursus spécialisés en énergies renouvelables, formant des centaines de jeunes techniciens et ingénieurs chaque année.
Retombées fiscales et développement local
Les exploitants de parcs éoliens paient des redevances aux communes et contribuent aux budgets locaux. Ces revenus financent infrastructures routières, écoles, centres de santé et projets sociaux.
Les installations de dessalement alimentées par éolien dans les régions de Laâyoune et Dakhla améliorent l’accès à l’eau potable, soutenant l’agriculture locale et le développement urbain.
Contribution nationale et comparaison régionale
Plus de 40% de la capacité éolienne marocaine
Avec 1.268 MW installés, Laâyoune-Sakia El Hamra représente environ 41% de la puissance éolienne totale du Maroc (estimée à 3,1 GW fin 2025).
Comparaison avec d’autres régions marocaines :
- Tanger-Tétouan-Al Hoceima : environ 800 MW (parcs de Tanger I et II, Akhfenir)
- Oriental : environ 400 MW
- Drâa-Tafilalet : environ 300 MW
- Souss-Massa : environ 250 MW
Laâyoune-Sakia El Hamra concentre donc davantage de puissance éolienne que les trois régions suivantes réunies, confirmant son statut de hub national indiscutable.
Positionnement africain et international
À l’échelle africaine, les 1.268 MW de Laâyoune-Sakia El Hamra en font la région la plus puissante du continent en capacité éolienne concentrée. À titre de comparaison :
- Afrique du Sud (total national) : environ 3,5 GW
- Égypte (total national) : environ 1,8 GW
- Kenya (total national) : environ 430 MW
Une seule région marocaine dépasse donc la capacité éolienne totale de pays africains entiers, illustrant le leadership continental du Maroc en énergies renouvelables.
Contribution aux objectifs 2030 du Maroc
Le Maroc vise 52% d’énergies renouvelables dans son mix électrique d’ici 2030. Laâyoune-Sakia El Hamra contribue déjà significativement à cet objectif, et avec les projets futurs (Aftissat I et autres), la région pourrait atteindre 1,5 à 1,8 GW d’ici 2030, renforçant encore son poids stratégique.
Bénéfices environnementaux : une région verte pionnière
Réduction massive des émissions de CO₂
Les 1.268 MW installés produisent annuellement environ 2,5 à 3 TWh d’électricité propre (en supposant un facteur de charge moyen de 35-40%).
Cette production évite l’émission d’environ 2 à 2,5 millions de tonnes de CO₂ par an en remplaçant des centrales thermiques au charbon ou au gaz.
Équivalence concrète :
- Retirer 1,2 million de voitures de la circulation pendant un an
- Planter 120 millions d’arbres
- Éviter la combustion de 1,2 million de tonnes de charbon
Économie de ressources fossiles
Le Maroc importe 88% de son énergie primaire. Chaque kilowattheure produit par les éoliennes de Laâyoune-Sakia El Hamra réduit cette dépendance et améliore la balance commerciale du pays.
Économies annuelles estimées : environ 300 à 400 millions de dirhams de combustibles fossiles évités grâce aux 1.268 MW installés.
Préservation de l’environnement local
Contrairement aux centrales thermiques, les parcs éoliens n’émettent aucun polluant atmosphérique local (particules fines, NOx, SOx), contribuant à la qualité de l’air régional.
Les installations respectent des normes strictes de protection de la biodiversité, notamment pour éviter les impacts sur les oiseaux migrateurs traversant la région.
Défis et stratégies d’adaptation
Renforcement du réseau électrique
L’injection massive de 1.268 MW d’électricité éolienne nécessite un réseau de transport robuste. Le projet Boujdour II 400/225 kV et la ligne stratégique Sud-Centre (3 GW de capacité) répondent à ce défi.
Toutefois, l’intégration de davantage de capacités (objectif 1,5-1,8 GW d’ici 2030) exigera de nouveaux investissements dans le stockage d’énergie (batteries BESS, stations de pompage-turbinage) et la digitalisation des réseaux (smart grids).
Financement et investissements continus
Bien que les coûts de l’éolien aient chuté (divisés par 3 depuis 2010), le développement de nouveaux parcs exige des capitaux massifs. Le Maroc mise sur les partenariats public-privé (PPP), les fonds souverains et les mécanismes de financement climatique (Fonds vert, BEI, BAD).
Acceptabilité sociale et intégration territoriale
Les vastes parcs éoliens transforment le paysage saharien. Bien que généralement acceptés par les populations locales (créateurs d’emplois et de revenus), il est crucial de maintenir un dialogue continu avec les communautés, de compenser équitablement les usages fonciers et d’associer les habitants aux bénéfices économiques.
Conclusion : Laâyoune-Sakia El Hamra, vitrine de la transition énergétique africaine
Avec 1.268 MW d’énergie éolienne installée, Laâyoune-Sakia El Hamra n’est pas qu’une région marocaine performante—c’est un modèle continental démontrant comment des conditions naturelles exceptionnelles, une volonté politique assumée et des investissements stratégiques peuvent transformer un territoire en locomotive verte.
Cette puissance installée alimente déjà l’équivalent de 850 000 à 1 million de foyers marocains, évite 2 à 2,5 millions de tonnes de CO₂ annuellement, et positionne le Maroc parmi les leaders mondiaux de l’éolien par habitant.
Les perspectives pour 2030 sont encore plus ambitieuses : avec les projets en cours (Aftissat I, futurs appels d’offres), la région pourrait franchir le cap des 1,5 à 1,8 GW, consolidant son statut de hub énergétique régional et contribuant massivement à l’objectif national de 52% de renouvelables.
Au-delà des chiffres, Laâyoune-Sakia El Hamra incarne une vision : celle d’un Sahara non plus perçu comme désert hostile, mais comme grenier énergétique du XXIᵉ siècle. Soleil, vent, espaces—la région dispose de tous les atouts pour devenir le poumon vert du Maghreb et d’Afrique.
Comme l’affirme le Centre Régional d’Investissement de Laâyoune : « Notre région est le hub des énergies renouvelables. Ce n’est pas une ambition—c’est déjà une réalité. »


